epreuve puisque le temps nous fixera lui-meme; nous n'avons qu'a
attendre en prenant nos precautions.
Il releva les yeux. Elle etait decoloree, chancelante, et de ses doigts
crispes elle se retenait au marbre de la console; il la prit dans ses
bras et la fit asseoir, gardant une de ses mains dans les siennes.
--Si grand que soit notre malheur, dit-il vivement, il ne nous trouve
pas desarmes. Tu n'es pas une pauvre fille ecrasee par le poids de sa
faute et abandonnee. De faute tu n'en as pas commise, et c'est une
grande force de pouvoir s'appuyer sur sa conscience. Abandonnee tu ne
l'es pas, puisque tu peux t'appuyer sur ma tendresse. Nous pouvons donc
resister. Je vais t'expliquer comment. Le jour ou tu m'as raconte...
ce qui s'est passe, je t'ai dit que peut-etre nous serions empeches de
revenir a Chambrais avant plusieurs mois, pendant lesquels nous irions
a l'etranger; quelque part ou nous ne serions pas connus. Je ne pouvais
pas, je n'osais pas a ce moment, m'expliquer plus clairement; mais ces
menagements de paroles ne sont plus possibles aujourd'hui. C'est pour
cacher cette grossesse qne nous irons a l'etranger, et ce sera pour
cacher aussi la naissance de l'enfant, dont, tu le comprends bien,
n'est-ce pas, tu ne peux pas etre la mere.
Au long regard trouble qu'elle attacha sur lui, il sentit qu'elle ne le
comprenait pas, comme il l'avait cru.
--Tu admets, n'est-ce pas, reprit-il, que je connais le monde et la vie,
et que, dans les circonstances ou nous nous trouvons, je dois savoir ce
qu'il convient de faire?
--Oh! sans doute.
--Eh bien! la verite est que du jour ou tu m'as appele a ton secours,
j'ai attendu le coup qui maintenant s'abat sur nous et me suis prepare a
le recevoir; il ne me prend donc pas a l'improviste, et ce que je te dis
est reflechi: tu peux avoir confiance.
--Ce n'est pas le doute qui cause ma surprise, c'est l'ignorance: vous
dites que cet enfant dont je serai mere ne peut m'avoir pour mere, c'est
la ce que je ne comprends pas.
--Tu vas comprendre. Le jour ou tu seras assez maitresse de ta volonte
pour ne pas laisser ta physionomie te trahir, nous quitterons la
Hollande et nous rentrerons a Chambrais. Le plus tot sera le mieux; mais
je ne peux pas te fixer de date. Quand tu te croiras assez forte, tu
me le diras, et nous partirons. Nous ne resterons que peu de temps a
Chambrais; car il importe que nous soyons loin de Paris quand d'Unieres
y reviendra...
Un mouvement echa
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