uelles elle
choisissait les legumes dont elle avait besoin pour sa cuisine, ainsi
que les fleurs qui devaient decorer son salon, ou Ghislaine seule lui
faisait visite de temps en temps. Tous les matins, un jardinier quittait
le chateau, et, dans le village, on se mettait sur le seuil des maisons
pour le voir passer portant sur sa tete une manne pleine de legumes,
de fruits et de fleurs, qu'il vidait chez lady Cappadoce, sans que la
"vieille Anglaise," racontait-il, lui eut jamais adresse un remerciement
ou donne un pourboire. Pourquoi lady Cappadoce ne commencerait-elle pas
l'education de Claude?
Mais aux premiers mots, lady Cappadoce s'etait rebiffee, outragee
evidemment qu'on lui fit une pareille proposition: elle, donner des
lecons a une gamine qui avait ete elevee avec des paysans! Si elle avait
consenti a accepter une position subalterne, c'est qu'elle la placait
aupres d'une princesse de Chambrais, que les Chambrais occupaient un
rang des plus eleves dans la noblesse francaise des le dixieme siecle
et qu'ils avaient eu des alliances directes avec des maisons
souveraines....
Comme elle debitait cette reponse avec sa dignite des grands jours, tout
a coup elle s'etait arretee en souriant:
--Il est vrai que les probabilites disent que cette enfant est aussi une
Chambrais.
Ghislaine, stupefaite, avait detourne la tete.
--Croyez bien que ce n'est pas une accusation que je porte contre ce
cher comte; les hommes ont en France des libertes qu'il faut bien
admettre lorsqu'on vit dans ce pays; et si, comme tout le monde le
suppose, il est le pere de cette petite, la position se trouve changee:
ce n'est point une paysanne, une n'importe qui, c'est une Chambrais.
Des la que Claude etait une Chambrais, lady Cappadoce pouvait accepter
la proposition de Ghislaine, et de fait elle l'avait si bien acceptee
qu'elle avait propose de prendre l'enfant chez elle, de facon a la faire
travailler du matin au soir, en dirigeant son education qui laissait si
fort a desirer et sur tant de points.
Mais c'etait plus que Ghislaine ne voulait; elle qui avait souffert
depuis si longtemps de la secheresse de son ancienne gouvernante, ne
pouvait pas accepter que sa fille en souffrit a son tour. Le contraste
serait trop rude de passer de la liberte dont elle jouissait chez les
Dagomer, a l'assiduite rigoureuse que lui imposerait lady Cappadoce.
Chez le garde elle faisait ce qui lui passait par l'idee; elle etait
aimee par son pere et
|