Nicetas,--voudrait visiter le chateau et il demande s'il faudra qu'il
reste jusqu'a mardi.
M. Auguste toisa Nicetas dedaigneusement, et celui-ci voyant l'effet que
produisait son costume sur ce personnage important, habitue a juger les
gens sur la mine, trouva opportun de balancer cet effet par quelques
paroles habiles:
--Je suis charge par un journal americain dont je suis correspondant,
dit-il, de lui envoyer la description du chateau de Chambrais, et je
serais tres gene de differer ma visite jusqu'a mardi.
--Ah! monsieur est journaliste, dit Auguste, s'adoucissant, evidemment
parce qu'il admettait qu'un journaliste americain pouvait etre neglige
dans sa tenue.
--Voulez-vous me faire l'honneur d'accepter quelque chose? demanda
Nicetas.
--Avec plaisir.
Il s'assit sur le tabouret libre et Nicetas appela le le cabaretier. M.
Auguste desirait un aperitif, Dagomer un "autre cafe"; quand ils furent
servis, l'entretien reprit:
--Certainement je voudrais vous obliger, dit M. Auguste, mais si M.
le comte ne va pas demain a la Chambre et si madame la comtesse ne
l'accompagne pas, il n'y aura pas moyen. S'ils partent, au contraire,
je vous ferai visiter le chateau: venez a une heure, j'aurai fini de
dejeuner.
Pour jouer son role, Nicetas demanda des renseignements sur le chateau,
sur le nombre des domestiques, des chevaux, des chiens, sur l'etendue du
parc, puis il passa aux maitres.
--Il y a longtemps que M. le comte d'Unieres a epouse la princesse de
Chambrais?
--Dix ans.
--Combien d'enfants?
Disant cela d'un air indifferent, il tira un carnet pour prendre des
notes.
--Ils n'ont pas d'enfants.
--Ils les ont perdus? demanda-t-il avec ingenuite.
--Ils n'en ont jamais eu.
--S'ils mouraient, a qui irait cette belle fortune? Est-ce qu'il n'y a
pas un oncle?
--Il est mort.
--Alors au lieu que ce soit lui qui herite de sa niece, c'est sa niece
qui a herite de lui?
--Pas precisement.
--Expliquez-moi donc ca: vous savez, en Amerique, on est tres curieux
de ces details, et rien de ce qui touche le comte d'Unieres, le grand
orateur, n'est indifferent. Est-ce qu'il etait mal avec son oncle le
comte de Chambrais.
--Non.
--Alors l'oncle avait des enfants?
--Non; il a laisse sa fortune a une jeune fille pour laquelle il avait
de l'affection.
--Tiens! c'est drole, si elle n'etait qu'une jeune fille comme vous
dites.
--Une enfant qu'eleve l'ami Dagomer.
--Ca n'interesse pas l
|