de Marche et Chabert, qui
surement les avaient estimes a leur prix marchand, mais elle doutait
de la valeur de ceux qui lui restaient, comprenant tres bien que les
pierreries comme toutes choses subissent des depreciations. Combien
tirerait-t-elle de ceux qu'elle pouvait prendre encore, sans qu'on
remarquat leur disparition? Une dizaine, une vingtaine de mille francs
peut-etre. Et de cette somme a celle qu'il exigeait il y avait loin, si
loin, que ces vingt mille francs ne pouvaient lui etre d'aucune utilite.
A la verite, son ecrin ne se composait pas que de ces respectables
antiquailles; il comprenait des bracelets, une riviere, des croissants,
un diademe, des peignes, des agrafes, des bouquets de corsage, que son
mari lui avait donnes, ainsi que le fameux collier de perles et les
diamants de sa mere; mais ceux-la elle ne pouvait pas les vendre; les
uns, parce qu'ils lui venaient de son mari et qu'elle n'allait pas les
employer a la rancon de sa fille; les autres, parce qu'ils etaient des
souvenirs.
Et cependant, puisqu'elle etait contrainte a une nouvelle vente, c'etait
de ces souvenirs qu'elle devait se separer; l'hesitation n'etait
possible que pour le choix.
Apres avoir balance le pour et le contre, elle se decida pour le collier
de perles; avec lui, au moins, elle etait certaine d'obtenir la somme
dont elle avait besoin, puisqu'il avait ete estime a quatre cent mille
francs, et elle n'aurait pas la confusion de retourner chez Marche et
Chabert.
En effet, il ne pouvait pas etre question de vendre ce fameux collier,
car si le comte etait d'une indifference complete pour tous les bijoux,
il ne laisserait pas disparaitre celui-la sans s'en apercevoir. Ce qu'il
fallait, c'etait faire mettre des perles fausses a la place des vraies
et vendre celles-ci. Dans l'ecrin ou il resterait desormais enferme, on
ne s'apercevrait pas de cette substitution. Qui le verrait? Le comte
seul. Et encore etait-il possible qu'il ne le regardat plus jamais.
Pour vendre ses bijoux elle avait ete tout droit chez Marche et Chabert
qu'elle connaissait; mais pour les perles fausses elle ne savait a qui
les commander. Cependant, comme elle avait achete des parures de jais
pour le deuil de son oncle, elle pensa que si dans cette maison on ne
se chargeait pas de ce travail, on lui dirait a qui elle pouvait
s'adresser. Le lendemain meme elle s'en alla en voiture de place au
boulevard des Italiens, et se faisant descendre a la Chaussee d'A
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