r que je prepare mes clients
effrayes a un arrangement. Au lieu d'aller a eux, je viens a vous.
--L'affaire est delicate.
--Ce qui peut faciliter votre intervention, c'est que notre aventurier,
dans l'espoir d'inspirer confiance, s'est pare d'un nom et d'un titre
des plus honorables: celui de prince Amouroff, se pretendant le fils du
lieutenant-general, aide de camp general, prince Amouroff, qui a occupe
une grande situation a la cour de Russie.
--Et selon vous, il n'aurait pas droit ni a ce nom, ni a ce titre?
--Aucun droit.
--Avez-vous une preuve qu'il ait fait usage de ce nom et de ce titre?
--J'ai cette lettre signee par lui.
Et le notaire mit sous les yeux du prefet la lettre qu'il avait eu la
precaution de se faire ecrire par Nicetas.
--S'il n'est pas celui qu'il dit, il nous donne prise sur lui par cette
usurpation de nom et de titre.
--Il ne l'est pas.
--Une enquete doit etre faite; accordez-moi un certain temps.
--Il y a urgence.
--Je ne perdrai pas de temps; je vous previendrai.
Le notaire allait partir, le prefet le retint:
--Pouvez-vous me donner le signalement de ce pretendu prince?
--Trente-cinq ans, taille elevee, cheveux noirs, pas de barbe, gras,
bouffi; l'air d'un chenapan bien eleve; il demeure au n deg. 44 des
Champs-Elysees.
--Je vous promets de faire diligence. Si, comme je n'en doute pas, mes
renseignements sont conformes aux votres, on le conduira a la frontiere.
Mais c'est tout ce que je peux, car nous n'avons plus la Bastille...
Dieu merci. Cela nous debarrassera-t-il de lui? j'en doute: la mort
seule interrompt un bon chanteur dans son metier et encore il laisse
bien souvent des heritiers.
Le notaire s'etant retire, le prefet fit appeler un de ses secretaires,
car cette mission n'etait pas de celles qui se donnent au premier
venu, et le chargea d'aller tout de suite a l'ambassade de Russie: il
s'agissait de savoir si le prince Amouroff, lieutenant-general et aide
camp general, avait eu un ou plusieurs fils; si un de ses fils se
trouvait aujourd'hui a Paris et s'il repondait au signalement d'un homme
de trente-cinq ans, de grande taille, aux cheveux noirs.
Le secretaire revint au bout d'une demi-heure:
--Le lieutenant-general Amouroff etait mort, il n'avait laisse qu'un
fils mort lui-meme depuis trois ans, et quatre filles; son nom et son
titre etaient eteints: celui qui les portait n'y avait aucun droit,
c'etait un aventurier et probablement un escroc
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