attacha son cheval a un arbre; le
soleil venait de se coucher, et du ciel empourpre tombait une lumiere
rose qui promettait une soiree sereine.
Ce qu'on appelle la _Reserve_ est un grand etang long de pres d'un
kilometre, et large d'une cinquantaine de metres creuse pour recevoir
les eaux de pluie et de neige qui tombent sur le plateau de Chambrais;
recueillies dans des rigoles qui sillonnent les champs et les bois, de
ce plateau elles s'emmagasinent la, et par des conduites souterraines,
elles vont alimenter les bassins, les cascades, les jets d'eau du parc
et des jardins.
D'un cote, l'etang sert de cloture au parc, de l'autre il est longe par
une route--celle que Nicetas avait choisie comme lieu de rendez-vous,--a
un endroit assez rapproche du pavillon du garde pour que Claude put y
venir facilement, et assez eloigne cependant pour qu'on ne la suivit
point du regard. Que de fois, dans ses promenades sentimentales,
etait-il reste la a rever a celle qu'il aimait, imaginant les charmes
d'un tete a tete avec elle!
Depuis douze ans l'aspect des choses n'avait pas change, et il les
retrouvait, apres cette longue absence, comme s'il les avait quittees la
veille: c'etait le meme calme, le meme silence, la meme douceur, la meme
vegetation foisonnant de roseaux et de plantes aquatiques dans l'etang,
le meme cadre noble que lui faisaient les grands arbres du parc. Il
se rappelait que la derniere fois qu'il y etait venu des ouvriers
faucardaient ces roseaux et ces plantes, qui, si on les avait laisse
pousser librement, n'auraient pas tarde a envahir l'etang et a le
transformer en un marais; maintenant ce travail etait encore en train,
et sur la rive, que longeait la route, retenue a un tetard par une
chaine, il revoyait une toue, que les ouvriers, leur journee finie,
avaient attachee la; si ce n'etait pas celle dans laquelle il s'etait
souvent promene, au moins en etait-ce une semblable, a fond plat, avec
des avirons retenus aux tolets par un anneau de fer.
Le temps s'ecoulait, le ciel palissait, la verdure des arbres et des
buissons s'assombrissait, Claude ne paraissait pas.
Ne la laisserait-on pas sortir seule; si on l'accompagnait au village,
on ne pouvait pas l'enfermer, elle devait avoir au moins la liberte
d'aller et venir aux abords de la maison.
Pour voir de plus loin, il monta sur les marches du calvaire, mais il ne
l'apercut point: la route, deserte, filait droit entre l'etang et les
champs, sans que person
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