vous fera des observations, vous presentera des
objections: ne repondez rien, mais notez tout ce qu'il vous dira de
facon a me le rapporter exactement; s'il trouve des pretextes pour ne
pas dresser l'acte seance tenante, n'insistez pas, c'est qu'il voudra
soumettre l'affaire a ses clients, et ce sera le moment decisif. Vous
verrez alors ce que vous aurez a faire: si vous croyez pouvoir discuter
seul les propositions que tres probablement on vous presentera, ou s'il
n'est pas plus sage de demander l'assistance d'un conseil avise,
qui vous signalera les chausse-trapes au milieu desquelles on vous
promenera. Vous etes averti, cela suffit.
Nicetas voulut regler le prix de cette consultation, mais Caffie refusa:
--Tout n'est pas fini; j'ose meme dire que rien de serieux n'est
commence, car je ne considere pas comme serieux les pourparlers avec la
femme, quel qu'en ait ete le resultat; c'est a l'entree en scene du
mari que l'interet va se developper et qu'il faudra jouer serre; nous
ajouterons cette consultation a celle que vous demanderez alors; nous
sommes gens de revue.
Le lendemain, entre dix et onze heures, comme Caffie le lui avait
conseille, Nicetas se presenta chez le notaire et demanda a parler a
Me Le Genest de la Crochardiere en remettant sa carte, celle du prince
Amouroff, au clerc qui l'avait recu.
Malgre ce nom et ce titre, on le fit attendre assez longtemps dans
l'etude, le laissant confondu, avec de vulgaires clients qui passerent
avant lui, puis enfin on l'introduisit dans un grand cabinet clair,
meuble aussi peu que possible de vieux meubles d'acajou; assis a un
bureau ministre, le notaire s'etait leve, mais sans quitter sa place, et
Nicetas s'etait trouve en face d'un homme a l'air grave, de la vieille
ecole, comme disait Caffie, le visage rase de frais, cravate de blanc,
vetu d'une longue redingote noire boutonnee.
De la main il indiqua un fauteuil a Nicetas, et s'etant lui-meme assis
il attendit.
--C'est pour une reconnaissance d'enfant naturel que je viens reclamer
votre ministere, dit Nicetas.
Le notaire s'inclina sans repondre.
--D'une fille dont je suis le pere et qui a pour mere une Francaise, et
si je m'adresse a vous, de qui je n'ai pas l'honneur d'etre connu, c'est
que cette mere est votre cliente et que de plus vous etes le notaire de
l'enfant.
Me Le Genest s'etait fait depuis longtemps un masque impenetrable, qui
ne traduisait que rarement l'emotion ou la curiosite, mais en
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