mille francs sont
une miserable somme pour vous, pour moi, c'en est une considerable que
je n'ai pas et que je ne peux pas emprunter.
--Alors, restons-en la.
De nouveau il se leva.
Le couteau sur la gorge, elle sentait que si elle le laissait partir,
elle aurait a subir quelque nouvelle attaque, qui, dans les conditions
ou elle se trouvait, pouvait tout perdre; elle devait donc ne reculer
devant rien pour l'empecher; Claude d'un cote, de l'autre son mari, elle
etait aux abois.
--Si je ne puis pas vous verser cette somme, dit-elle, je pourrais
au moins vous en payer l'interet, un gros interet, et je prendrais
l'engagement de vous remettre tous les ans dix mille francs.
Il prit un air indigne.
--Ces marchandages me sont tres penibles, dit-il, cent mille francs ou
ma fille.
--Je vous repete qu'a aucun prix je ne puis trouver ces cent mille
francs; pour les cinquante milles et les perles, je me suis deja mis
dans une situation pleine de dangers, peut-etre meme desesperee...
--D'ou viennent ces dangers? interrompit-il.
--De mon mari.
--Et vous croyez que c'est parce que les soupcons et la jalousie de M.
d'Unieres sont eveilles que je vais m'incliner devant vos scrupules?
Non, madame, non. Si quelque chose peut me pousser a persister dans ma
demande, ce sont ces soupcons memes. Jaloux, M. d'Unieres, inquiet,
tourmente, amene a chercher ce qui se passe, a le trouver, et que
puis-je souhaiter de mieux? Un proces s'engage, une separation en
resulte, un divorce, un scandale, mais c'est precisement ce qu'il me
faut.
Elle poussa un cri etouffe.
--Vous n'avez donc pas compris que je vous aime, que je n'ai pas cesse
de vous aimer, que je suis aujourd'hui l'homme que j'etais il y a douze
ans, et vous savez que pour vous avoir je ne recule devant rien.
Elle s'etait levee, et debout, adossee a la cheminee, elle avait pris le
cordon de la sonnette.
--Vous n'avez rien a craindre, reprit-il. Dans votre interet, je vous
engage a ecouter ce que j'ai a dire. Que votre mariage avec M. d'Unieres
soit rompu a la suite du scandale que provoquerait un proces, vous me
trouvez pret a vous epouser, et notre fille grandit entre son pere et sa
mere. Celui qui vous fait cette proposition, ce n'est pas Nicetas, le
pauvre musicien, c'est le prince Amouroff, et ce nom, qui vaut bien
celui d'Unieres, n'est pas au-dessous de celui des Chambrais; ce n'est
pour vous ni une mesalliance ni une decheance; ma famille a occupe et
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