degout. Au moins, n'y serait-elle pas seule
et sans secours.
Ce lui fut un soulagement de s'etre arretee a cela.
Sans doute elle ne savait ni ce qu'elle dirait, ni comment elle se
defendrait, mais au moins elle n'etait plus dans l'irresolution.
Quand elle entra dans la bibliotheque, elle trouva son mari au travail,
et en la voyant il eut un sourire d'heureuse surprise.
Tendrement il l'embrassa.
Mais il la connaissait trop bien, ils etaient trop intimement, trop
profondement lies l'un a l'autre pour qu'il ne sentit pas dans cette
etreinte qu'elle etait troublee.
--Tu as eprouve une contrariete, dit-il en la regardant.
--Pas d'autre que celle de n'etre pas restee pres de toi.
--J'ai travaille quand meme; malgre tout, je crois que demain tu seras
contente.
Ainsi qu'il avait ete convenu entre eux, il croyait qu'elle assisterait
le lendemain a la seance de la Chambre.
--Veux-tu que je t'indique les points principaux de mon discours?
--Certainement.
Elle se debarrassa de son chapeau et prit sa place ordinaire devant son
petit bureau, tandis qu'il s'asseyait sur un coin de la grande table.
Alors il commenca, les yeux fixes sur elle; mais il n'alla pas loin:
--Est-ce que tu trouves que je ne suis pas dans le vrai? demandat en
s'arretant.
--Je ne trouve pas cela du tout.
--Tu as l'air de ne pas me suivre.
--Mon air te trompe.
Elle etait au supplice, car elle avait beau faire, elle sentait qu'a
certains moments sa volonte lui echappait; alors son regard trahissait
sa preoccupation, et comme il ne la quittait pas des yeux, tout de suite
il s'apercevait de ce desaccord.
Il fallait qu'elle s'appliquat! n'en aurait-elle pas la force, faible
coeur qu'elle etait?
--Continue, dit-elle, je t'assure que je te suis.
--Si tu trouves cela mauvais ou a cote, dis-le franchement, je t'en
prie.
--Mais non, je ne trouve pas cela mauvais; qui peut te donner cette
idee?
Il reprit.
Ce fut elle a son tour qui ne le quitta pas des yeux.
De temps en temps elle faisait un geste d'approbation ou bien elle
murmurait:
--Bien, tres bien.
--N'est-ce pas?
Alors il s'echauffa, et de l'analyse toute seche de son discours,
il passa peu a peu a des developpement sous lesquels se sentait le
mouvement oratoire.
A le suivre ainsi, elle se laissa prendre a ce qu'il disait et a oublier
sa propre situation, suspendue qu'elle etait aux levres et aux yeux de
son mari, completant par la pensee les effets
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