st-ce une
pommade; est-ce une eau?
Elle lui flaira les cheveux et le visage.
--C'est ta bouche qui exhale cette odeur bizarre: tu as mange des
bonbons?
--Non.
--Est-ce que tu ne veux pas me repondre? Il n'y a pas de mal a manger
des bonbons, la preuve c'est que je t'en donne quelquefois. Tu as des
petites taches rouges aux dents. Qu'est-ce que c'est?
Claude hesita; enfin elle se decida:
--C'est de la cire.
--Quelle cire?
--De la cire a cacheter les lettres.
--Tu manges de la cire a cacheter? Quelle idee!
--C'est tres bon; ca fait une pate.
--Une mauvaise pate.
--Et puis, c'est amusant, ca colle aux dents.
--Ou as-tu eu de la cire?
--J'en ai pris chez lady Cappadoce.
--Comment t'est venue cette idee?
--Un jour que lady Cappadoce, cachetait une lettre, j'ai mis un morceau
de cire dans ma bouche sans penser a rien; ca m'a paru bon; j'ai
continue; j'aime mieux ca que les meilleurs bonbons.
--Mais tu peux te rendre malade, chere petite; la cire a cacheter n'est
pas une chose qui se mange. Veux-tu me promettre de n'en plus manger?
--Oh!
--Tu me feras plaisir.
Claude la regarda un moment profondement dans les yeux:
--C'est vrai que cela vous ferait plaisir? demanda-t-elle.
--Grand plaisir.
--Eh bien! je n'en mangerai plus, je vous le promets.
Ghislaine, en redescendant au chateau, se trouva troublee et emue.
Il etait rare qu'elle eut l'occasion d'etre seule avec Claude et put
l'interroger, lire en elle comme elle venait de le faire, sans avoir
a craindre de trahir plus de tendresse qu'il ne lui etait permis d'en
montrer.
Que de revelations dans cette entrevue d'une demi-heure!
N'etait-ce pas curieux, vraiment, ce souci de Claude, de se marier pour
etre aimee! N'etait-ce pas ainsi qu'elle-meme revait et raisonnait,
enfant, quand elle se desolait de sa solitude? La pauvre petite aussi
souffrait de cette solitude et, detournant les yeux d'un present triste,
les fixait sur l'avenir, que son imagination lui representait tout plein
de tendresse et de joies du coeur. Elle les avait connues ces reveries,
ces regards jetes en avant; et par la elle trouvait entre sa fille et
elle, des points de ressemblance qui la rassuraient.
Que de fois, depuis la naissance de Claude, s'etait-elle demande ce
qu'elle serait: fille de sa mere? fille de son pere? Et la question
etait assez grosse pour s'imposer avec des angoisses. Paroles, gestes,
regards, attitudes, gouts, dispositions,
|