sse pour elle que j'en sentirais toute la force en ce moment.
Revenant a notre sujet, je disait donc que par le seul fait de
l'institution de Claude comme legataire universelle, M. de Chambrais
l'avait reconnue pour sa fille.
--Ah!
--....Et que dans ces conditions tu n'as pas a cacher les sentiments
affectueux qu'elle t'inspire.
Elle etait eperdue, affolee, un soupir de soulagement s'echappa de ses
levres contractees.
--Evidemment j'aurais du m'expliquer avec toi la-dessus, le jour meme de
l'ouverture du testament; si je ne l'ai point fait, c'est, je le
repete, par un sentiment de respect pour la memoire de ton oncle; mais
aujourd'hui ce respect, exagere, j'en conviens, n'est plus de mise, et
ce n'est pas porter atteinte a cette memoire que d'accepter une parente
connue de tout le monde... a un certain point de vue c'est le contraire
plutot; n'est-ce pas ton sentiment?
--Oui... sans doute; je n'ai jamais pense a cela.
--Je le sais bien, et comme tu n'as pas attendu l'ouverture du testament
pour t'attacher a l'enfant, il est certain que la parente n'a pas ete
tout d'abord la cause exclusivement determinante de ton affection; si
tu as ete a elle inconsciemment pour ainsi dire, ca ete parce que nous
n'avons pas d'enfants; ton affection a ete celle d'une maternite qui n'a
pas d'aliment. Est-ce vrai?
--Peut-etre; je ne sais.
--Mais je sais, moi. Quand l'esprit ou le coeur est constamment tendu
sur un meme objet, il y ramene tout; il est donc tout naturel que tu te
sois prise de tendresse, d'une tendresse maternelle pour cette petite,
avant meme de soupconner que c'etait a la fille de ton oncle que tu
t'attachais, a ta cousine; mais maintenant que tu le sais, la situation
change.
Il s'arreta, et lui prenant les deux mains, il la placa en face de lui,
de maniere a plonger dans ses yeux:
--Chere femme, chere bien-aimee, dit-il d'une voix vibrante de passion,
toi qui depuis dix ans m'as fait l'homme le plus heureux, toi que
j'adore, que je venere, toi par qui je vis, en qui est tout mon bonheur,
toute mon esperance dans l'avenir, toutes mes joies dans le passe, tu
n'admettras jamais la pensee, n'est-ce pas, que sous mes paroles puisse
se cacher un reproche detourne, ou meme une plainte. Si le chagrin de
notre vie est de n'avoir pas d'enfants, ne crois pas que je t'en rende
responsable; c'est un malheur dont tu souffres, comme j'en souffre
moi-meme, et toi plus que moi sans doute, par cela seul que tu es fe
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