tait pas de caractere a ne penser qu'a elle egoistement, l'attendait.
--Certainement la vie des champs n'est pas precisement pour me plaire,
mais pourquoi veux-tu que cette vie soit fatalement monotone, reguliere
et retiree? ces conditions ne me paraissaient pas obligatoires.
--Comment serait-elle autre?
--En la changeant. Cette vie, tu l'as menee depuis que tu as perdu ton
pere, et ta mere, parce que tu n'etais qu'une petite fille; mais l'age
est venu; tu n'es plus un enfant qu'on couche a neuf heures; tu es
emancipee, ne l'oublie pas; pourquoi n'aurais-tu pas quelquefois au
chateau d'anciens amis, des membres de notre famille, des camarades a
moi, qui ouvriraient un peu cette retraite si etroitement fermee, et
egaieraient cette monotonie?
--Est-ce donc possible?
--Quand on est dans ta position, quand on a ton nom, tout est possible,
et tout est faisable; il n'y a qu'a vouloir.
--Je veux tout ce qui peut vous etre agreable.
--Eh bien! nous verrons a arranger cela; je ne suis pas si exigeant pour
les plaisirs que tu l'imagines; j'avoue que Chambrais tout nu n'est
pas tres recreatif, mais Chambrais anime, egaye, c'est different. Et
d'ailleurs ce qui sera bon pour moi, le sera pour toi aussi.
C'etait dans ce dernier mot que se trouvait la raison determinante qui
avait suggere l'idee de M. de Chambrais. Depuis l'aveu de Ghislaine il
n'avait prononce qu'une seule fois le nom du comte d'Unieres, et au
trouble qu'elle avait laisse paraitre, il avait compris qu'elle croyait
que le mariage dont il l'avait entretenue etait maintenant a jamais
impossible, ce qui etait pour elle une douleur d'autant plus grande
qu'elle aimait le comte ou en tout cas qu'elle desirait vivement ce
mariage. Qu'il essayat de lui prouver qu'elle se trompait, il ne
reussirait point a ebranler un sentiment contre lequel les raisonnements
les plus adroits seraient sans influence, precisement par cela meme que
c'etait un sentiment: elle se jugeait indigne de d'Unieres, et rien de
ce qu'il dirait en ce moment n'agirait sur elle. Il n'y avait donc rien
a dire, il fallait agir doucement et sans rien brusquer.
De la cette idee de rendre le sejour de Chambrais moins triste:
d'Unieres que, dans les circonstances presentes il etait impossible
d'inviter seul, viendrait avec les autres amis, et l'amour ferait le
reste: la premiere entrevue serait cruelle pour Ghislaine; la seconde le
serait un peu moins: elle desirerait, elle attendrait la cinquiem
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