le comte mettait en pratique sans autre souci que celui de satisfaire sa
conscience.
Les d'Unieres etaient devenus un modele qu'on citait chez tous dans leur
monde: leur amour; la beaute et la vertu de la femme, la fidelite et le
talent du mari forcaient la bienveillance et meme l'admiration.
Aucun point faible ou l'on put les prendre. Si leur genre de vie, a
la campagne comme a Paris, etait princier et fastueux, digne de leur
fortune et de leur rang, la charite n'y perdait rien. Pas un lendemain
de fete qui ne fut le jour des pauvres. Pas une oeuvre utile ou la
comtesse d'Unieres n'eut sa place. Leur existence dans les plus petits
details etait l'application meme de leurs principes.
Ils ne voulaient pas etre riches pour eux seuls: et il fallait que ceux
qui les entouraient, qui dependaient d'eux eussent leur part de cette
fortune: c'etait loin, tres loin que leur responsabilite s'etendait a
cet egard. Que de gens ils avaient soutenus, consoles, releves! Que de
devoirs ils s'etaient imposes quand ils auraient pu si bien passer a
cote d'infortunes et de miseres qui ne les touchaient pas directement,
en detournant la tete, et dont ils prenaient la charge par cela seul
bien souvent que le hasard les leur avait revelees!
On disait d'eux qu'ils avaient les vertus qu'on demande aux rois, et
le mot n'etait que juste. En effet, personne ne poussait aussi loin le
souci de sa dignite et de son rang, sans qu'on put jamais remarquer
une preoccupation d'economie ou d'egoisme, pas plus qu'une negligence
d'etiquette. Au milieu d'un ordre admirable tout etait largement mene,
et s'il n'etait pas a Paris d'equipages aussi parfaitement tenus que
les leurs, il n'y avait pas de maison ou l'urbanite, la politesse, la
simplicite des manieres, l'affabilite, fut poussee aussi loin, sans que
la correction la plus irreprochable en souffrit en rien.
Pour ces raisons et pour leurs merites personnels leur situation etait
exceptionnelle, admiree, respectee; on ne touchait pas aux d'Unieres,
c'etait un honneur d'etre recu par eux, de les recevoir, de les imiter.
Malgre leur jeunesse, ils donnaient le ton; en les suivant, on etait
sur de ne jamais faire fausse route, et lorsque la comtesse d'Unieres
s'etait occupee de quelque chose, avait accepte quelqu'un, s'etait
montree quelque part, on emboitait le pas derriere elle, sans meme
songer a se retourner; quant a juger, a critiquer, c'eut ete un crime
que personne ne s'etait encore aventure a co
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