es la soiree de l'Opera, Ghislaine fut surprise un matin
de voir entrer lady Cappadoce brandissant d'une main agitee un numero
du _Morning Post_, et elle crut, tant etait vive l'agitation de sa
gouvernante, que celle-ci venait de trouver dans le journal la nouvelle
qu'elle heritait enfin. Elle le lui dit en riant, mais lady Cappadoce se
facha:
--Non, mademoiselle, je n'herite point; ce n'est pas de moi qu'il
s'agit, c'est de vous; lisez ce journal.
Et de son doigt tremblant elle lui designa quelques lignes du _Morning
Post_ en le lui mettant devant les yeux.
C'etait la nouvelle des journaux parisiens que le journal anglais
reproduisait, mais en la precisant, sinon pour Ghislaine, qui restait
"l'une des plus nobles heritieres du faubourg Saint-Germain", au moins
pour "le plus jeune et le plus en vue des hommes politiques du parti
monarchique", qui etait nomme tout au long.
--N'est-il pas etrange que j'apprenne votre mariage par un journal?
demanda lady Cappadoce.
--Ne l'est-il pas que je l'apprenne moi-meme de cette facon?
Lady Cappadoce, qui n'avait pas admis un seul instant que son cher
_Morning Post_ put annoncer une nouvelle fausse, lui si exact, si
methodique pour tout ce qui touche au grand monde, fut stupefaite.
--Ce ne serait pas vrai?
--C'est vous qui m'en apportez la nouvelle.
--Il aura ete trompe par quelque journal francais, repondit lady
Cappadoce en jetant sur son cher _Morning Post_ un regard attendri;
alors, ce n'est pas vrai?
--Ce n'est pas vrai.
--Convenez que cette intimite avec M. d'Unieres est bien faite pour
susciter ces bruits de mariage.
Ghislaine ne repondit pas. Apres un moment d'attente, lady Cappadoce
continua:
--Je vous felicite, ma chere enfant, que cette nouvelle soit fausse.
Vous connaissez mon opinion sur les mariages precoces: ils sont rarement
heureux, tres rarement. Et comment en serait-il autrement? Un mariage
doit etre reflechi. Un mari doit etre choisi, et non pris au hasard. Ce
n'est pas quand elle ne connait ni le monde, ni la vie, qu'une jeune
fille, qu'une toute jeune fille peut faire ce choix. Elle se laisse
entrainer par des considerations futiles: un nez bien dessine, une barbe
soyeuse, des yeux tendres. Certainement, le nez de M. d'Unieres est
d'une belle ligne, sa barbe est charmante, mais apres?
--Il me semble qu'il a autre chose.
--C'est de son role politique que vous voulez parler? Il faudrait voir.
--Est-ce que la place qu'il s'est f
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