vingt-deux ou vingt-trois ans.
Sans doute, Ghislaine n'etait ni chetive ni maladive, cependant elle se
trouvait dans ce cas, et s'il n'etait pas indispensable qu'on attendit
ses vingt-trois ans pour la marier, cependant, plus ce mariage serait
retarde, mieux s'en trouverait sa sante.
A cette raison, d'un ordre physique, s'en joignait une autre de l'ordre
moral non moins grave pour M. de Chambrais.
S'il desirait que Ghislaine se mariat et epousat le comte d'Unieres, il
ne voulait cependant pas la marier a lui tout seul, et sans que par un
choix librement fait elle s'unit a lui. Comment choisir quand on ne
connait personne et qu'on n'a pas vu le monde? En ce moment Ghislaine
accepterait un mari des mains de son oncle, elle ne le prendrait pas
elle-meme--ce que justement il voulait. De la la vie nouvelle qu'il
avait adoptee: elle verrait, elle comparerait, et quand elle se
deciderait, ce serait en connaissance de cause.
--Maintenant, mon cher, continua M. de Chambrais en serrant la main de
d'Unieres, apres ces explications, le mariage depend de vous et est
entre vos mains: faites-vous aimer. Si j'en crois certains indices,
j'espere que cela ne vous sera pas difficile, et personne n'est dans de
meilleures conditions que vous.
IX
Pour M. de Chambrais, le comte d'Unieres etait le seul homme qui put
faire revenir Ghislaine sur sa resolution: qu'il ne reussit pas et
qu'elle s'obstinat dans son idee, qu'elle n'etait pas digne de se
marier, elle en arriverait un jour a reconnaitre Claude; a la verite,
tant qu'il serait de ce monde, il pourrait, en usant des droits que
lui donnait sa qualite d'oncle et surtout la tendresse de Ghislaine,
empecher cette honte, mais combien vivrait-il encore? Un jour elle
serait libre, et ce jour-la il fallait qu'elle fut mariee.
Bien qu'il fut l'un des membres les plus jeunes de la Chambre des
deputes, le comte d'Unieres s'etait deja place a la tete du parti
royaliste. Son election violemment contestee l'avait, des son entree
a la Chambre, amene a la tribune; et aux premieres phrases il s'etait
revele orateur. Il etait facile de contester ce qu'il disait, il etait
impossible de ne pas ecouter avec plaisir la langue qu'il parlait,
abondante, imagee, brillante, incorrecte souvent, diffuse et decousue,
avec des redites et des periodes inachevees, mais originale toujours,
ne ressemblant pas plus a la phraseologie vague des avocats, qu'a la
platitude courante des gens d'affaires, pleine
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