n content; je n'osais pas bouger pour ne pas l'eveiller et
j'ai remercie la bonne sainte Vierge; je lui ai demande de me donner a
dejeuner demain parce que j'avais tres faim et je n'avais plus rien pour
Paul; j'ai pleure, et puis je me suis endormi aussi; et la sainte Vierge
vous a amene sous le chene. Elle est tres bonne, la sainte Vierge, Maman
me l'avait dit bien souvent: "Quand vous aurez besoin de quelque chose,
demandez-le a la sainte Vierge; vous verrez comme elle vous ecoutera."
L'homme ne repondit pas; il serra la main du petit Jacques plus
fortement dans la sienne, et ils continuerent a marcher en silence. Au
bout de quelque temps, l'homme s'apercut que la marche de Jacques se
ralentissait.
"Tu es fatigue, mon enfant?" lui dit-il avec bonte.
--Oh! je peux encore aller. Je me reposerai au village.
L'homme enleva Jacques et le mit sur ses epaules.
"Nous irons plus vite ainsi", dit-il.
JACQUES.--Mais je suis lourd; vous allez vous fatiguer, mon bon
Monsieur.
L'HOMME.--Non, mon petit, ne te tourmente pas. J'ai porte plus lourd que
toi, quand j'etais soldat et en Campagne.
JACQUES.--Vous avez ete soldat; mais pas gendarme?
L'HOMME, souriant.--Non, pas gendarme; je rentre au pays, apres avoir
fait mon temps.
JACQUES.--Comment vous appelez-vous?
L'HOMME.--Je m'appelle Moutier.
JACQUES.--Je n'oublierai jamais votre nom, monsieur Moutier.
MOUTIER.--Je n'oublierai pas non plus le tien, mon petit Jacques; tu es
un brave enfant, un bon frere. Depuis que Jacques etait sur les epaules
de Moutier, celui-ci marchait beaucoup plus vite. Ils ne tarderent pas a
arriver dans un village a l'entree duquel il apercut une bonne auberge.
Moutier s'arreta a la porte.
"Y a-t-il un logement pour moi, pour ces mioches et pour mon chien?"
demanda-t-il.
--Je loge les hommes, mais pas les betes, repondit l'aubergiste.
--Alors vous n'aurez ni l'homme ni sa suite, dit Moutier en continuant sa
route.
L'aubergiste le regarda s'eloigner avec depit; il pensa qu'il avait
eu tort de renvoyer un homme qui semblait tenir a son chien et a ses
enfants, et qui aurait peut-etre bien paye.
"Monsieur! He! monsieur le voyageur!" cria-t-il en courant apres lui.
--Que me voulez-vous? dit Moutier en se retournant.
L'AUBERGISTE.--J'ai du logement, Monsieur, j'ai tout ce qu'il vous faut.
MOUTIER.--Gardez-le pour vous, mon bonhomme; le premier mot, c'est tout
pour moi.
L'AUBERGISTE.--Vous ne trouverez pas une meill
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