utier parvint a faire comprendre pourquoi il n'avait plus donne
de ses nouvelles.
"Peu de temps apres mon retour au pays, mes bonnes hotesses, j'appris
qu'il courait des bruits de guerre avec la Russie. Je n'avais jamais eu
de rencontre avec les Russes, puisque nous etions en paix avec eux;
je savais qu'ils se battaient bien, que c'etaient de braves soldats.
J'avais fait mon temps, il est vrai, mais... un soldat reste toujours
soldat. J'avais quelque chose dans le coeur qui me poussait a rejoindre
mes anciens camarades; quand la guerre fut declaree, le repris un
engagement pour deux ans dans les zouaves, et je partis. Depuis ce
jour, impossible d'ecrire. Toujours en campagne, et quelle campagne!
Au debarquer a Gallipoli, un cholera qui faillit m'emporter; a peine
retabli, des marches, des contremarches, une descente en Crimee, une
bataille a Alma comme on n'en avait jamais vu; sans vanite, nous nous
sommes tous battus comme des lions. Je ne parle pas des Anglais, qui,
selon leur habitude, se sont trouves en retard parce que leur rosbif et
leur pouding n'etaient pas cuits. Mais nous autres, nous avons fait
ce qu'aucun peuple au monde ne pourra refaire. Nous avons grimpe des
rochers a pic sous une grele de balles et de mitraille; nous avons
chasse les Russes du plateau ou ils s'etaient tres joliment installes.
Ces pauvres gens! Ah! j'en ris encore! Eh nous voyant escalader ces
rochers et monter, monter toujours, ils nous ont pris pour des diables,
et, apres un echange de coups desesperes, ils se sont sauves et ont
couru si vite, que plus de la moitie se sont echappes. Leur general, le
prince Mentchikoff, qui etait la pour voir comme on nous culbutait de
dessus les rochers, a failli etre pris. Il s'est sauve, laissant sa
voiture, ses effets, ses papiers et tout. Apres est venu le siege de
Sebastopol; belle chose, ma foi! Belles batailles! bien attaque, bien
defendu. A Inkerman, au camp des Anglais, les Russes les ont rosses et
en ont tue l'impossible, comme a Balaklava. Mais nous etions accourus,
nous autres Francais, et nous avons a notre tour fait une marmelade de
ces pauvres Russes qui se battaient comme des lions, il n'y a pas de
reproches a leur faire; mais le moyen de resister a des Francais bien
commandes! Je passe sur les details du siege, qui a ete magnifique et
terrible, et j'arrive a Malakoff, un de ces combats flambants, ou chaque
soldat est un heros, et ou chacun a merite la croix et un grade. La
j'ai attrape
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