s dirai en deux mots, mon general, que, vous voyant
ereinte, n'en pouvant plus, j'ai profite de votre sommeil...
LE GENERAL.--Pour vous sauver, parbleu; je le sais bien.
MOUTIER.--Mais non, mon general; pour courir au pas de charge jusqu'a
Domfront, vous chercher une voiture que j'ai trouvee, que j'ai amenee au
grand trot du cheval, et qui est ici a la porte, prete a vous emmener,
puisqu'il faut que nous partions. Et a present, mon general, que je me
suis explique, je dois dire deux mots a Elfy qui rit dans son petit
coin.
Et, allant a Elfy, il lui parla bas et lui raconta quelque chose de
plaisant sans doute, car Elfy riait et Moutier souriait. Il faut dire
que l'entree du general en manches de chemise, descendant peniblement
de dessus un ane a la porte de l'Ange-Gardien, avait excite la gaiete
d'Elfy et de sa soeur, et qu'elle etait encore sous cette impression.
Le general ne bougeait pas, il restait au milieu de la salle, les bras
croises, les jambes ecartees; ses veines se degonflaient, la rougeur
violacee de son visage faisait place au rouge sans melange; ses sourcils
se detendaient, son front se deridait.
LE GENERAL.--Mon brave Moutier, mon ami, pardonne-moi; je n'ai pas le
sens commun. Partons vite dans votre carriole; bonne idee, ma foi!
excellente idee! Et le general dit adieu aux deux soeurs, serra les
mains de Moutier qui pardonnait de bon coeur et venait en aide au
general pour passer sa redingote et le hisser dans la carriole, ou il
prit place pres de lui.
Quand ils furent a quelque distance du village, Moutier demanda au
general pourquoi il ne l'avait pas attendu, et comment il avait pu
refaire la route jusqu'a Loumigny. "Mon cher, quand je me suis reveille,
j'etais seul; desole d'abord, en colere ensuite; je ne savais que faire,
ou aller, lorsque j'ai apercu votre papier.
"L'attendre! me suis-je dit, je t'en souhaite! Moi general, attendre un
sergent! Non, mille fois non. Ah! Il me plante la! (J'etais en colere,
vous savez.) Il me fait croquer le marmot a l'attendre! Moi aussi, je
lui jouerai un tour; moi aussi, je vais me promener de mon cote pendant
qu'il se promene du sien. (Toujours en colere, n'oubliez pas.) Alors je
me leve: je me sentais bien repose, je fais volte-face et je reprends le
chemin de notre bon Ange-Gardien. Je rencontre un bonhomme avec un ane,
je lui demande de monter dessus (car j'etais essouffle, j'avais marche
vite pour vous echapper); le bonhomme hesite; je lui donne u
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