us etes veritablement une
Providence pour ces excellentes soeurs, pour votre brave Moutier et pour
toute notre commune. Jamais on n'y perdra votre souvenir, general, et,
quant a moi, je prierai pour vous tous les jours de ma Vie."
LE GENERAL.--Merci, mon bon cure. Mais notre tache n'est pas finie, il
faut que vous m'aidiez a la completer.
LE CURE.--Tout ce que vous voudrez, general, disposez de moi
entierement.
LE GENERAL.--Eh bien, mon ami, voila l'affaire. J'aime beaucoup Mme
Blidot, et je vois avec peine que le mariage de sa soeur va changer sa
position.
LE CURE:--Oh! general, elles s'aiment tant, et Moutier est un homme si
bon, si honorable, si religieux!
LE GENERAL.--Tout ca est vrai, mon ami, mais... Mme Blidot ne va plus
venir qu'en second; c'est le jeune menage qui a maintenant le plus gros
lot dans la propriete de l'Ange-Gardien; un homme dans une auberge est
toujours plus maitre que des femmes. Et puis viendront les enfants;
Jacques et Paul pourraient en souffrir, Mme Blidot, qui les aime si
tendrement, les protegera; et puis viendra le desaccord, et, par suite,
les chagrins pour cette pauvre femme isolee.
LE CURE.--C'est vrai, general; mais qu'y faire, sinon attendre,
esperer, et au besoin lui donner du courage?
LE GENERAL.--Mon cher cure, voici mon idee a moi. Quand la guerre sera
finie, ce qui va arriver un de ces jours, il faudra que je retourne en
Russie; j'emmenerai Derigny... Attendez, vous ne savez pas ce que je
vais vous dire... J'emmenerai ses enfants; voila deja qu'ils restent
avec leur pere et qu'ils sont a l'abri de ce que je redoute pour eux.
Pour prix du sacrifice que me fera le pere, j'achete, avec votre
aide, et je lui donne les terres qui entourent mon auberge Au general
reconnaissant. D'ici la, je le decide a reunir ses enfants a maman
Blidot dont il fera sa femme et la vraie mere de ses enfants; je donne
au menage l'auberge et les terres. Et, apres une absence d'un an,
reviens mourir en France, chez vous, car, entre nous, Je ne crois pas
en avoir pour longtemps; d'ici a trois ans je serai couche dans votre
cimetiere, apres etre mort entre vos bras. Et voila ou j'ai besoin de
votre aide: c'est a disposer maman Blidot a devenir Mme Derigny. Vous
lui ferez savoir en gros tout ce que je viens de vous dire.
LE CURE.--Je crains qu'elle ne veuille pas se remarier, non pas qu'elle
ait beaucoup regrette son mari, qu'elle avait epouse presque forcee par
ses parents, et qui etait vie
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