oi,
doivent resulter de cette position! Mes pauvres enfants aiment si
tendrement Mme Blidot que les en separer pour des annees, et peut-etre
pour toujours, serait leur imposer un chagrin des plus cruels.
Et comment moi, occupe de mon service pres de vous, mon general,
pourrais-je veiller sur mes enfants, continuer leur education si bien
commencee? Et puis, mon general, si ces enfants vous fatiguent, vous
ennuient, soit en route, soit en Russie, que deviendrons-nous?
Derigny s'arreta triste et pensif. Le general l'avait ecoute
attentivement et sans colere.
"Et si vous me quittez, mon ami, que deviendrez-vous, que ferez-vous de
vos enfants?"
Derigny prit sa tete dans ses mains avec un geste de douleur et dit
d'une voix emue:
"Voila, mon general; c'est ca, c'est bien ca... Mais que puis-je, que
dois-je faire? Pardon si je vous parle aussi librement, mon general;
vous m'avez encourage et je me livre a votre bonte."
LE GENERAL.--Derigny, j'ai deja pense a tout cela; j'en ai meme parle
au cure. Vos enfants ne peuvent ni quitter Mme Blidot ni rester ou ils
sont; le mariage d'Elfy donne un maitre a la maison et annule l'autorite
de Mme Blidot; elle et les enfants ne tarderaient pas a etre mal a
l'aise. Il n'y a qu'un moyen pour vous, un seul, de garder vos enfants
et de leur laisser cette excellente mere qui remplace si bien celle
qu'ils ont perdue. Epousez-la. Derigny fit un bond qui fit sursauter le
general.
DERIGNY.--Moi, mon general! moi, sans fortune, sans famille, sans
avenir, epouser Mme Blidot qui est riche, qui ne songe pas a se
remarier? C'est impossible, mon general! Impossible!... Oui,
malheureusement impossible. Le general sourit au malheureusement.
Derigny n'y repugnait donc pas; il accepterait ce mariage pour ses
enfants et peut-etre pour son propre bonheur.
LE GENERAL.--Mon ami, ce n'est pas impossible. Vous me parlez
franchement, je vais en faire autant. Je suis vieux, je suis infirme, je
deteste le changement. Je vous aime et je vous estime; votre service me
plait beaucoup et m'est necessaire. Si vous epousez Mme Blidot et
que vous consentez a rester chez moi avec elle et vos enfants, et a
m'accompagner en Russie, toujours avec elle et les enfants, j'assurerai
votre avenir en achetant et vous donnant les terres qui avoisinent mon
auberge. Vous savez que, d'apres les termes du contrat d'Elfy, je donne
l'auberge a Mme Blidot si elle vous epouse, car c'est a vous que j'ai
pense en faisant mettre
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