s de ravissement, Derigny parut confus d'avoir
excite l'attention generale; il se remit sur ses pieds, et, quoique
tremblant encore, il se dirigea vers la maison, tenant ses enfants par
la main. Arrive dans la salle, suivi du general, de Moutier et des deux
soeurs, il se laissa aller sur une chaise, regarda avec tendresse et
attendrissement Jacques et Paul qu'il tenait dans chacun de ses bras,
et, apres les avoir encore embrasses a plusieurs reprises:
"Excusez-moi, mon general, dit-il; veuillez m'excuser, Mesdames; j'ai
ete si saisi, si heureux de retrouver ces pauvres chers enfants que j'ai
tant cherches, tant pleures, que je me suis laisse aller a m'evanouir
comme une femmelette. Chers, chers enfants, comment se fait-il que je
vous retrouve ici, avec une maman, une tante, un bon: ami? (Derigny
sourit en disant ces mots et jeta un regard reconnaissant sur les deux
soeurs et sur Moutier.)
JACQUES.--Deux bons amis, papa, deux. Le bon general est aussi un bon
ami.
Derigny tressaillit en s'entendant appeler papa par son enfant.
DERIGNY, l'embrassant.--Tu avais la meme voix quand tu etais petit, mon
Jacquot; tu disais papa de meme.
--Mon bon ami, dit le general avec emotion, je suis content de vous voir
si heureux. Oui, sapristi, je suis plus content que si..., que si...
j'avais epouse toutes les petites filles des eaux, que si j'avais adopte
Moutier, Elfy, Torchonnet. Je suis content, content!
Derigny se leva et porta la main a son front pour faire le salut
militaire.
DERIGNY.--Grand merci, mon general! Mais comment se fait-il que mes
enfants se trouvent ici a plus de vingt lieues de l'endroit ou je les
avais laisses?
MADAME BLIDOT.--C'est le bon Dieu et Moutier qui nous les ont amenes,
mon cher Monsieur.
JACQUES.--Et aussi la sainte Vierge, papa, puisque je l'avais priee
comme ma pauvre maman me l'avait recommande.
DERIGNY.--Mon bon Jacquot! Te souviens-tu encore de ta pauvre maman?
JACQUES.--Tres bien, papa, mais pas beaucoup de sa figure; je sais
seulement qu'elle etait pale, si pale que j'avais peur.
Derigny l'embrassa pour toute reponse et soupira profondement.
JACQUES.--Vous etes encore triste, papa? et pourtant vous nous avez
retrouves, Paul et moi!
DERIGNY.--Je pense a votre pauvre maman, cher enfant; c'est elle qui
vous a proteges pres du bon Dieu et de la sainte Vierge et qui vous a
amenes ici. Mon bon Moutier, comment avez-vous connu mes enfants?
MOUTIER.--Je vous raconterai ca
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