t place, le notaire commenca la lecture du contrat.
Lorsqu'on en fut a la fortune des epoux, le notaire lut:
"La future se constitue en dot les pres, bois et dependances attenant a
la maison dite l'Ange-Gardien."
Elfy poussa un cri de surprise, sauta de dessus sa chaise et se jeta
presque a genoux devant le general qui se leva, la prit dans ses bras
et, lui baisant le front: "Oui, ma chere enfant, c'est mon cadeau de
noces. Vous allez devenir la femme, l'amie de mon brave Moutier, deux
fois mon sauveur et toujours mon ami. Je ne saurais assez reconnaitre ce
que je lui dois; mais en aidant a son mariage avec vous, j'espere m'etre
acquitte d'une partie de ma dette."
Le general tendit la main a Moutier, l'attira a lui et le serra avec
Elfy dans ses bras.
"Oh! mon general, dit Moutier a voix basse, permettez que je vous
embrasse."
--De tout mon coeur, mon enfant... Et, a present, continuons notre
contrat.
Le notaire en acheva la lecture; une seule clause, qui fit rougir Mme
Blidot, parut se ressentir de la bizarrerie du general. Il etait dit:
"Dans le cas ou Mme Blidot viendrait a se remarier, sa part de propriete
de l'Ange-Gardien retournerait a sa soeur Elfy, et serait compensee par
la maison a l'enseigne: Au General reconnaissant, que le general comte
Dourakine lui cederait en toute propriete, mais a la condition que Mme
Blidot epouserait l'homme indique par le general comte Dourakine et
qu'il se reserve de lui faire connaitre."
Le notaire ne put s'empecher de sourire en voyant l'etonnement que
causait cette clause du contrat, qu'il avait cherche vainement a faire
supprimer. Le general y tenait particulierement; il n'avait pas voulu en
demordre. Mme Blidot rougit, s'etonna et puis se mit a rire en disant:
"Au fait, je ne m'oblige a rien, et personne ne peut m'obliger a me
marier si je ne le veux pas."
--Qui sait? dit le general, qui sait? Vous le voudrez peut-etre quand
vous connaitrez le futur.
--Pas de danger que je me remarie.
--Il faut signer, Messieurs, Mesdames, dit le notaire.
--Et puis diner, dit le general.
Mme Blidot ne fut nullement effrayee de cette annonce du general,
quoique rien ne lui parut arrange pour un repas quelconque; mais elle
commencait a compter sur cette espece de feerie qui faisait tout arriver
a point. Elfy signa, puis Moutier, puis le general, puis Mme Blidot, le
cure, Jacques, Paul, Derigny et la foule. Quand chacun eut appose son
nom ou sa croix au bas du contrat
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