vait empechee en repetant chaque fois:
"Ne vous occupez de rien, ne vous tourmentez de rien; c'est moi qui me
charge de tout, qui fais tout, qui paye Tout."
MADAME BLIDOT.--Mais, mon cher bon general, ne faut-il pas au moins
preparer des tables, de la vaisselle, des rafraichissements, des
flambeaux? Je n'ai rien que mon courant.
LE GENERAL.--C'est tres bien, ma chere madame Blidot! Soyez tranquille;
ayez confiance en moi.
Mme Blidot ne put retenir un eclat de rire auquel se joignirent Elfy et
Moutier; le general, enchante, riait plus fort qu'eux tous.
MADAME BLIDOT.--Mais, mon bon general, pour l'amour de Dieu,
laissez-nous faire nos invitations pour le diner du contrat et pour le
jour du mariage; si nous ne faisons pas d'invitations, nous nous ferons
autant d'ennemis que nous avons d'amis actuellement.
LE GENERAL.--Bah! bah! ne songez pas a tout cela; c'est moi qui fais
tout, qui regle tout, qui invite, qui regale, etc.
MADAME BLIDOT.--Mais, general, vous ne connaissez seulement pas les noms
de nos parents et de nos amis?
LE GENERAL.--Je les connais mieux que vous, puisque j'en sais que vous
n'avez jamais vus ni connus.
--Mon Dieu! mon Dieu! que va devenir tout ca! s'ecria Mme Blidot d'un
accent desole.
LE GENERAL,--Vous le verrez; demain c'est le contrat: vous verrez,
repondit le general d'un air goguenard.
MADAME BLIDOT.--Et penser que nous n'avons rien de prepare, pas meme de
quoi servir un diner!
LE GENERAL, riant.--A tantot, ma pauvre amie; j'ai besoin de sortir, de
prendre l'air.
Et le general courut plutot qu'il ne marcha vers la maison Bournier. Les
ouvriers avaient tout termine; on achevait d'accrocher au-dessus de
la porte une grande enseigne recouverte d'une toile qui la cachait
entierement. Une foule de gens etaient attroupes devant cette enseigne.
Le general s'approcha du groupe et demanda d'un air indifferent:
"Qu'est-ce qu'il y a par la? Que represente cette enseigne Voilee?"
UN HOMME.--Nous ne savons pas, general. (On commencait a le connaitre
dans le village.) Il se passe des choses singulieres dans cette auberge;
depuis huit jours on y a fait un remue-menage a n'y rien comprendre.
LE GENERAL.--C'est peut-etre pour le proces.
UNE BONNE FEMME.--C'est ce que disent quelques-uns. On dit que les
Bournier vont etre condamnes a mort et qu'on prepare l'auberge pour les
executer dans la chambre ou ils ont manque vous assassiner, general.
Le general comprima avec peine le
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