de Moutier, dont
l'habit militaire, la croix et les galons de sergent les disposaient au
respect. Il en depecha deux a la ville pour requerir les gendarmes;
il donna a quatre autres la garde des malfaiteurs, avec injonction de
garrotter la femme et son frere. Il en envoya un demander a Mme Blidot
si elle pouvait recevoir l'etranger, et il garda les autres pour l'aider
a faire revenir le blesse et pour aller delivrer Torchonnet, dont il
indiqua la prison. Mme Blidot ne fit pas attendre la reponse.
"Tout ce que vous voudrez et quand vous voudrez, vous fait dire Mme
Blidot, monsieur le sergent. Tout sera pret pour recevoir votre
monsieur."
Moutier posa un matelas par terre, etendit dessus l'etranger; aide de
trois hommes vigoureux, il l'emporta ainsi et le deposa chez Mme Blidot,
dans la chambre et sur le lit qu'elle leur indiqua. Elle aida Moutier a
lui enlever ses vetements, a laver le sang fige sur son visage et qui le
rendait meconnaissable. Quand il fut bien nettoye, Moutier le regarda;
il poussa une exclamation de surprise. "Quelle chance, ma bonne madame
Blidot? Savez-vous qui je viens de sauver du couteau--de ces coquins?
Mon pauvre general prisonnier! C'est lui! Comment, diantre, a-t-il ete
se fourrer par la? Le voila qui ouvre les yeux; il va revenir tout a
fait."
En effet, le general reprenait connaissance, regardait autour de lui,
cherchait a se reconnaitre; il examinait Mme Blidot. Il ne voyait pas
encore Moutier, qui s'etait efface derriere le rideau du lit; mais quand
le general demanda:
"Ou suis-je? Qu'est-il arrive?" Moutier se montra et, lui prenant la
main:
"Vous etes ici chez mes bonnes amies, mon general. Le brigand chez
lequel vous etiez descendu a la cuisse cassee, son frere a le crane
defonce, et la femme a recu un coup d'assommoir dont il lui restera
quelque chose si elle en revient."
LE GENERAL.--Comment! encore vous, mon brave Moutier? C'est pour vous
que je suis venu me fourrer dans ce guepier, et c'est vous qui m'en
tirez, qui etes encore une fois mon brave sauveur?
MOUTIER.--Trop heureux, mon general, de vous avoir rendu ce petit
service. Mais comment est-ce pour moi que vous avez pris vos quartiers
chez ces coquins? Avant de repondre, le general demanda un verre de vin;
il l'avala, se sentit remonte et dit a Moutier:
"Vous m'aviez dit que vous vouliez passer par ici pour voir vos bonnes
amies et les enfants; j'ai voulu vous epargner la route par etapes
d'ici jusqu'aux eaux
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