AL.--Alors pourquoi m'ont-ils renvoye? Pourquoi ne m'ont-ils
pas ecoute? Je les ai prevenus; ils n'ont pas voulu me croire. Qu'ils
s'arrangent sans moi a present.
MOUTIER.--Mon general, je vous en supplie!
LE GENERAL.--Non, jamais, jamais et jamais! Je ne bouge pas de ma
chambre jusqu'a ce qu'ils soient tous partis.
Le general entra chez lui, ferma sa porte a clef, et, calme par l'idee
de l'embarras que causerait son refus, il se mit a rire et a se frotter
les mains. Moutier retourna a l'auberge et rendit compte de son
ambassade. Le juge d'instruction, fort contrarie, parlait de forcer la
deposition par des menaces.
MOUTIER.--Pardon, monsieur le juge, on n'obtiendra rien de lui par la
force; vous l'avez froisse, il fera comme il l'a dit, il se laissera
mettre en pieces plutot que de revenir la-dessus; mais nous pouvons le
prendre par surprise; laissez-moi faire. Suivez-moi, ne faites pas de
bruit, faites ce que je vous dirai, et vous aurez la deposition la plus
complete que vous puissiez desirer.
LE JUGE.--Voyons, terminons d'abord ce que nous avons a faire ici;
faites votre deposition, monsieur Moutier; greffier, ecrivez.
Le juge d'instruction commenca l'interrogatoire; quand ils eurent
termine, le juge accompagna Moutier a l'Ange-Gardien; Moutier le pria
d'attendre dans la salle; il appela Elfy, lui raconta l'affaire et lui
donna ses instructions. Elfy sourit, et alla frapper doucement a la
porte du general.
"Qui frappe?" dit-il d'une voix furieuse.
ELFY.--C'est moi, mon general; ouvrez-moi.
--Que voulez-vous? reprit-il d'une voix radoucie.
--Vous voir un instant, vous consulter sur un point relatif a mon
mariage, puisque c'est vous qui l'avez decide.
LE GENERAL.--Ah! ah! je ne demande pas mieux, ma petite Elfy.
La porte s'ouvrit et, en s'ouvrant, masqua Moutier et le juge
d'instruction.
Le general jeta un coup d'oeil dans la salle, ne vit personne, prit un
visage riant et laissa la porte ouverte a la demande d'Elfy qui trouvait
qu'il faisait bien chaud dans: sa chambre.
"Permettez-moi de vous deranger pendant quelques instants, general, dit
Elfy en acceptant le siege que le general lui offrait pres de lui; c'est
vous qui avez fait notre mariage; et quand je pense que, sans Joseph,
ces abominables gens vous auraient tue! car ils voulaient vous tuer,
n'est-ce pas?
LE GENERAL.--Je crois bien! m'egorger comme un mouton.
ELFY.--Vous ne nous avez pas raconte encore les details de cet hor
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