en aller, on me retient
de force. Trouvez-vous ca bien agreable?
MOUTIER.--Mais, mon general, je ne comprends pas... Que vous est-il donc
arrive?
LE GENERAL.--Demandez a ces gamins qui grillent de parler; ils vont vous
faire un tas de contes.
JACQUES, riant.--Mon bon ami Moutier, je vous remercie des belles
montres d'or que vous nous donnerez, a Paul et a moi, comme cadeau de
noces.
MOUTIER, tres surpris.--Montres d'or! Cadeau de noces! Tu es fou, mon
garcon! Ou et avec quoi veux-tu que j'achete des montres d'or? Et a deux
gamins comme vous encore, quand je n'en ai pas moi-meme! Et quel cadeau
de noces, puisque je ne songeais pas a me marier?
JACQUES.--Voyez-vous, mon bon general? Je vous le disais bien, C'est
vous...
LE GENERAL.--Tais-toi, gamin, bavard! Je te defends de parler. Moutier,
je vous defends de les ecouter. Vous n'etes que sergent, je suis
general. Suivez-moi; j'ai a vous parler.
Moutier, au comble de la surprise, obeit; il disparut avec le general
qui ferma la porte avec violence.
LE GENERAL, rudement.--Tenez, voila votre dot. (Il met de force dans les
mains de Moutier un portefeuille bien garni.) J'y ai ajoute les frais de
noces et d'entree en menage. Voila la montre et la chaine d'Elfy; voila
la votre. (Moutier veut les repousser.) Sapristi! ne faut-il pas que
vous ayez une montre? Lorsque vous voudrez savoir l'heure, faudra-t-il
pas que vous couriez la demander a votre femme? Ces jeunes gens, ca n'a
pas plus de tete, de prevoyance que des linottes, parole d'honneur!...
Tenez, vous voyez bien ces deux montres que voila? ce sont celles de vos
enfants! C'est vous qui les leur donnez. Ce n'est pas moi, entendez-vous
bien?... Non, ce n'est pas moi! Quand je vous le dis! Pourquoi leur
donnerais-je des montres? Est-ce moi qui me marie? Est-ce moi qui les ai
trouves, qui les ai sauves, qui ai fait leur bonheur en les placant chez
ces excellentes femmes? Oui, excellentes femmes, toutes deux. Vous serez
heureux, mon bon Moutier; je m'y connais et je vous dis, moi, que vous
auriez couru le monde entier pendant cent ans, que vous n'auriez pas
trouve le pareil de ces femmes. Et je suis bien fache d'etre general,
d'etre comte Dourakine, d'avoir soixante-quatre ans, d'etre Russe, parce
que, si j'avais trente ans, si j'etais Francais, si j'etais sergent, je
serais votre beau-frere; j'aurais epouse Mme Blidot.
L'idee d'avoir pour beau-frere ce vieux general a cheveux blancs, a face
rouge, a gros ven
|