volet se referma. Je restai
ainsi deux jours, fatigue a mourir, n'ayant qu'une chaise pour me
reposer, du pain et de l'eau pour me nourrir, horriblement inquiet de ce
qui allait m'arriver; je bouillonnais quand je pensais que vous etiez
peut-etre ici, a cinq cents pas de moi et ne pouvant me porter secours.
Enfin, le troisieme jour, j'entendis un mouvement inaccoutume du cote
de la porte; je repris mon poste, pret a me jeter sur le premier qui
paraitrait. En effet, j'entends approcher, la clef tourne dans la
serrure, la porte s'ouvre lentement; l'obscurite de ma prison ne leur
permettait pas de me voir. J'attends que l'ouverture de la porte soit
assez large pour me laisser passer, et je me lance sur celui qui entre;
je recois un coup de poing dans le nez. Le sang jaillit et me gene la
vue, ce qui ne m'empeche pas de chercher a me faire jour; mais ils
etaient plusieurs, a ce qu'il parait, car je sentais les coups tomber
comme grele sur ma tete, sur mon dos et surtout sur mon visage. Le
sang m'aveuglait; je ne voyais plus ou j'etais. J'appelle, je crie au
secours; les coquins jurent comme des templiers et parviennent enfin
a me jeter par terre. L'un d'eux saute sur ma poitrine, pendant que
d'autres me garrottent les pieds, les mains, et m'enfoncent dans la
bouche un mouchoir qui m'etouffait. J'ai bientot perdu connaissance, et
je ne sais pas comment j'ai ete delivre ni comment vous avez pu deviner
le danger ou je me trouvais.
MOUTIER.--Je vous raconterai cela, mon general, quand vous serez
repose; vous avez l'air fatigue. Il vous faut un medecin et je vais
l'aller chercher.
LE GENERAL.--Je ne veux rien que du repos, mon ami. Pas de medecin, pour
l'amour de Dieu! Laissez-moi dormir. La pensee que je me trouve ici,
chez vos bonnes amies et pres de vous, me donne une satisfaction et
un calme dont je veux profiter pour me reposer. A demain, mon brave
Moutier, a demain.
Le general avala un second verre de vin, tourna la tete sur l'oreiller
et s'endormit.
VIII
Torchonnet place.
Mme Blidot et Moutier resterent quelques instants pres du general, mais,
le voyant si calme, Mme Blidot dit:
"Je vais rester pres de lui un peu de temps pour voir si le sommeil
n'est pas agite, cher monsieur Moutier, tout en nettoyant et en rangeant
la chambre. Et vous, allez voir ce que deviennent la-bas ces brigands de
Bournier."
MOUTIER.--Vous avez raison, ma bonne madame Blidot; Ou est mon pauvre
Jacques?
MADAME BLIDOT.--Ave
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