AME BLIDOT.--Quels aimables enfants vous nous avez donnes, mon cher
monsieur Moutier! Si vous saviez la tendresse que j'ai pour eux et
combien notre vie est changee et embellie par eux!
MOUTIER.--Et pour eux quelle benediction d'etre chez vous, mes bonnes et
cheres amies! Quels soins maternels ils recoivent! Comme on est heureux
sous votre toit!
MADAME BLIDOT.--Pourquoi n'y restez-vous pas, puisque vous trouvez qu'on
y est si bien?
MOUTIER.--Un homme de mon age ne doit pas vivre inutile, a faineanter.
Avant tout, pour le moment, il faut que j'aille aux eaux de Bagnoles,
pour bien guerir ma blessure, mal fermee encore.
ELFY.--Oui, c'est bien pour le moment; et apres?
MOUTIER.--Apres? Je ne sais. Je verrai ce que j'ai a faire. A la grace
de Dieu.
ELFY.--Vous ne vous engagerez plus, j'espere?
MOUTIER.--Peut-etre oui, peut-etre non; je ne sais encore.
ELFY.--Vous ne vous engagerez toujours pas sans m'en parler, et nous
verrons bien si vous aurez le coeur de me causer du chagrin.
MOUTIER.--Ce ne sera pas moi qui vous causerai jamais du chagrin
volontairement, ma chere Elfy.
ELFY.--Bon! alors je suis tranquille, vous ne vous engagerez pas.
Les deux soeurs et Moutier prolongerent un peu la soiree. Moutier et Mme
Blidot allaient voir de temps a autre si le general n'avait besoin de
rien. Voyant qu'il dormait toujours, ils parlerent d'aller se coucher;
Moutier dit qu'il passerait la nuit sur une chaise pour veiller le
general.
Elfy et Mme Blidot se recrierent et lui declarerent qu'elles ne le
souffriraient pas. Pendant que Mme Blidot debattait la chose avec
Moutier, Elfy disparut et rentra bientot avec un matelas qu'elle jeta par
terre pour courir en chercher un autre.
"Elfy! Elfy! cria Moutier, que faites-vous? Pourquoi vous fatiguer
ainsi? Je ne le veux pas."
Elfy revint avec un second matelas qu'elle jeta sur Moutier qui voulait
l'en debarrasser, et disparut de nouveau en courant.
"C'est trop fort! dit Moutier. Va-t-elle en apporter une demi-douzaine?"
Et il courut apres elle pour l'empecher de devaliser les lits de
la maison. Il la rencontra portant un traversin, un oreiller, une
couverture et des draps. Apres un debat assez vif, il parvint a lui tout
enlever, et descendit accompagne par elle jusque dans la salle.
"Si ce n'est pas honteux pour un soldat, dit-il, de se faire un lit
comme pour un prince!"
Tout en causant et riant, le lit se faisait. Moutier serra les mains de
ses amies,
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