fait Cuisinier, Manuel des menageres, Memoires d'un troupier.
Moutier sourit:
"A la bonne heure! voila des livres que j'aime a voir chez une bonne
femme de menage! Ca donne confiance de voir un choix pareil. Ces
manuels, c'est bon; si je n'avais pas eu mon Manuel de soldat pendant
mes campagnes, je n'aurais jamais pu supporter tout ce que j'ai souffert
par la-bas! Et en garnison! l'ennui donc! Voila un terrible ennemi
a vaincre et qui vous pousse au cafe et de la a la salle de police.
Heureusement que mon ami le Manuel etait la et m'empechait de faire des
sottises et de me laisser aller au chagrin, au decouragement! Beni soit
celui qui me l'a donne et celui qui l'a invente!"
Tout en parlant, Moutier avait pris les Memoires d'un troupier; il
ouvrit le livre, en lut une ligne, puis deux, puis dix, puis des pages,
suivies d'autres pages, si bien qu'une heure apres il etait encore la,
debout devant la table, ne songeant pas a quitter le petit volume. Il
n'entendit meme pas Mme Blidot et Elfy venir le chercher au Jardin.
MADAME BLIDOT.--Le voila dans notre berceau, Dieu me pardonne! Tiens!
que fait-il donc la, immobile devant notre table? C'est qu'il ne bouge
pas plus qu'une statue! ELFY, riant.--Serait-il mort? On dirait qu'il
dort tout Debout.
MADAME BLIDOT, a mi-voix.--Hem! hem! Monsieur Moutier!... Il n'entend
pas.
ELFY, de meme.--Monsieur Moutier; le diner est pret, il vous attend...
Sourd comme un mort! Parle plus haut; je n'ose pas, moi je ne le connais
pas.
"Monsieur Moutier!" repeta plus haut Mme Blidot en approchant de la
table et en se mettant en face de lui. Il leva les yeux, la vit, passa
la main sur son front comme pour rappeler ses idees, regarda autour de
lui d'un air Etonne.
"Bien des excuses, madame Blidot, Je ne vous voyais ni ne vous
entendais; j'etais tout a mon livre, c'est-a-dire a votre livre,
reprit-il en souriant. Je n'aurais jamais cru qu'un livre put amuser et
interesser autant. J'en etais a la salle de police; c'est que c'est ca,
tout a fait ca! Je n'y ai ete qu'une fois et pour un faux rapport, sans
qu'il y ait eu de ma faute... C'est si bien raconte, que je croyais y
etre encore!"
MADAME BLIDOT.--Je suis bien aise que ce livre vous
plaise. Vous pouvez le garder si vous desirez le finir. M. le cure m'en
donnera un autre; il en a autant qu'on en veut.
MOUTIER.--Ce n'est pas de refus, madame Blidot. J'accepte, et grand
merci. Je le lirai a votre intention, et j'espere en dev
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