Blidot, mais maman.
PAUL.--Non, veux pas; veux aller avec Capitaine et Moutier.
JACQUES.--Mais puisqu'ils sont partis!
PAUL.--Ca ne fait rien; viens me mener a Capitaine.
JACQUES.--Tu n'aimes donc pas maman Blidot?
PAUL.--J'aime bien, mais j'aime plus Capitaine.
ELFY.--Laisse-le, mon petit Jacques; il s'habituera petit a petit; il
nous aimera autant qu'il aime Capitaine, et il appellera ma soeur maman,
et moi, ma tante. Toi aussi, je suis ta tante.
--Oui, ma tante, dit Jacques en l'embrassant.
Jacques, tranquille sur le sort de Paul, se laissa aller a toute sa
gaiete; il inventa, pour occuper son frere, une foule de jeux amusants
avec de petites pierres, des brins de bois, des chiffons de papier.
Lui-meme chercha a se rendre utile a Mme Blidot et a Elfy en faisant
leurs commissions, en lavant la vaisselle, en servant les voyageurs.
Vers le soir, il s'approcha de Mme Blidot et lui dit avec quelque
embarras:
"Maman, vous avez promis a M. Moutier de donner un peu a manger au
pauvre Torchonnet; je l'ai vu tout a l'heure, il courait avec un gros
pain sous le bras, il m'a fait signe qu'il allait venir chercher de
l'eau au puits; voulez-vous me donner quelque chose pour que je le lui
porte dans l'arbre creux?"
MADAME BLIDOT.--Oui, mon ami; voici un reste de viande et un morceau de
pain. Va mettre cela dans le creux de l'arbre; et, de peur que je ne
l'oublie a l'avenir, rappelle-le-moi tous les jours a diner; nous ferons
la part du pauvre petit malheureux.
JACQUES.--Merci, maman, vous etes bonne comme M. Moutier.
Et Jacques emporta ses provisions qu'il alla deposer dans l'arbre du
puits. Il ne tarda pas a voir arriver Torchonnet avec sa cruche; il
marchait lentement, et il s'essuyait les yeux tout en devorant le
pain et la viande de Mme Blidot; il but de l'eau de la cruche, salua
tristement Jacques et Paul, qui le regardaient du seuil de la porte, et
reprit le chemin de son auberge.
Les jours se passaient ainsi, heureux pour Jacques et pour tous les
habitants de l'Ange-Gardien, tristes et cruels pour l'infortune
Torchonnet que son maitre maltraitait sans relache. Bien des fois
Jacques l'aida en cachette a executer les ordres qu'il recevait et qui
depassaient ses forces; tantot c'etait un objet trop lourd a porter au
loin; alors Jacques et Paul le rejoignaient a la sortie du village et
l'aidaient a porter son fardeau. Tantot c'etait une longue course a
faire a la fin du jour, quand la fatigue d'un tr
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