ant son
estomac) et que je n'ai pas de forces.
--Pauvre malheureux!... repondit Moutier attendri.
Ecoute: viens a l'Ange-Gardien, je te recommanderai a Mme Blidot, bonne
femme s'il en fut jamais.
TORCHONNET.--Oh! monsieur, je ne pourrai pas! Mon maitre me tuerait si
j'y allais. Il la hait au possible.
MOUTIER.--Alors je t'apporterai quelque chose que je demanderai a Mme
Blidot; et puis, mon bon petit Jacques t'apportera a manger tous les
jours. Veux-tu, mon Jacquot?
JACQUES.--Oh oui, monsieur Moutier. Je garderai tous les jours quelque
chose de mon dejeuner pour lui. Mais comment faire pour le lui donner?
J'ai peur de son Maitre.
TORCHONNET.--Vous pouvez le placer dans le creux de l'arbre, pres du
puits, j'y vais tous les jours puiser de l'eau.
MOUTIER.--C'est bien, c'est entendu. Dans un quart d'heure tu auras ton
affaire. Jacquot le portera au puits. Partons, maintenant, pour qu'on
ne nous surprenne pas; c'est ca qui ferait une affaire a ce pauvre
Torchonnet! Moutier partit avec Jacques; en rentrant a l'Ange-Gardien,
il raconta a Mme Blidot l'histoire de Torchonnet, et lui demanda de
permettre a Jacques de faire cette charite de tous les jours.
"Mais, ajouta-t-il, je ne veux pas que vous vous empariez de toutes mes
bonnes actions, et je veux payer la nourriture de ce petit malheureux;
vous me direz a combien vous l'estimez et ce dont je vous serai
redevable. Je viendrai faire nos comptes une ou deux fois l'an."
MADAME BLIDOT.--Nos comptes ne seront pas longs a faire, monsieur
Moutier; mais, tout de meme, je serai bien aise de vous revoir pour que
vous veniez inspecter nos enfants et voir si vous les avez mal places en
me les confiant. Tiens, mon petit Jacques, porte cela dans le creux
de l'arbre du puits, pour que le pauvre enfant ne se couche pas sans
souper.
Jacques recut avec bonheur un paquet renfermant du pain et de la viande;
il prit Paul par la main et se dirigea vers le puits que lui indiqua Mme
Blidot et qui etait a cent pas de l'Ange-Gardien. Il placa son petit
paquet dans l'arbre, et, peu de minutes apres, il vit le pauvre
Torchonnet arriver avec une cruche; pendant qu'elle se remplissait,
Torchonnet saisit le paquet, l'ouvrit, mangea avidement une partie des
provisions qu'il contenait, remit le reste dans le creux de l'arbre, fit
de loin un salut amical a Jacques et repartit, portant peniblement sa
cruche pleine.
V
Separation.
La journee se continua et se termina gaiement p
|