eure auberge dans tout le
village, Monsieur.
MOUTIER.--Tant mieux pour ceux que vous logerez. L'AUBERGISTE.--Vous
n'allez pas me faire l'affront de me refuser le logement que je vous
offre.
MOUTIER.--Vous m'avez bien fait l'affront de me refuser celui que je
vous demandais.
L'AUBERGISTE.--Mon Dieu, c'est que je ne vous avais pas regarde; j'ai
parle trop vite.
MOUTIER.--Et moi aussi je ne vous avais pas regarde; maintenant que
je vous vois, je vous remercie d'avoir parle trop vite, et je vais
ailleurs.
Moutier, lui tournant le dos, se dirigea vers une autre auberge de
modeste apparence qui se trouvait a l'extremite du village, laissant le
premier aubergiste pale de colere et fort contrarie d'avoir manque une
occasion de gagner de l'argent.
II
L'ange-gardien.
"Y a-t-il du logement pour moi, pour deux mioches et pour mon chien?"
recommenca Moutier a la porte de L'auberge.
--Entrez, Monsieur, il y a de quoi loger tout le monde, repondit une voix
enjouee.
Et une femme a la mine fraiche et souriante parut sur le seuil de la
porte.
"Entrez, Monsieur, que je vous debarrasse de votre cavalier, dit la
femme en riant et en enlevant doucement le petit Jacques de dessus les
epaules du voyageur. Et ce pauvre petit qui dort tranquillement sur le
dos du chien! Un joli enfant et un brave animal! il ne bouge pas plus
qu'un chien de plomb, de peur d'eveiller l'enfant." Pourtant le bruit
reveilla enfin le petit Paul; il ouvrit de grands yeux, regarda autour
de lui d'un air etonne, et, n'apercevant pas son frere, il fit une moue
comme pour pleurer et appela d'une voix tremblante:
"Jacques! veux Jacques!"
JACQUES.--Je suis ici; me voila, mon Paul. Nous sommes tres heureux!
Vois-tu ce bon monsieur? Il nous a amenes ici; tu vas avoir de la soupe.
N'est-ce pas, monsieur Moutier, que vous voudrez bien donner de la soupe
a Paul?
MOUTIER.--Certainement, mon garcon; de la soupe et tout ce que tu
voudras.
La maitresse d'auberge regardait et ecoutait d'un air Etonne.
MOUTIER.--Vous n'y comprenez rien, ma bonne dame, n'est-il pas vrai?
C'est toute une histoire que je vous raconterai. J'ai trouve ces deux
pauvres petits perdus dans un bois, et je les ai amenes. Ce petit-la,
ajouta-t-il en passant affectueusement la main sur la tete de Jacques,
ce petit-la est un bon et brave enfant; je vous raconterai cela. Mais
donnez-nous vite de la soupe pour les petits, qui ont l'estomac creux,
quelque fricot pour tous, et
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