demain il fut leve des premiers; il ouvrit les poulaillers, il
eveilla Frederic, qui couchait dans un cabinet de la maison, et remplit
d'eau les sceaux qui servaient a Mme Bonard pour les besoins du menage.
Elle ne tarda pas a paraitre.
MADAME BONARD.--Eh bien. Julien, as-tu retrouve la dinde? Pourquoi
n'es-tu pas venu donner reponse hier soir?
JULIEN.--Je n'ai rien trouve, maitresse, malgre que j'aie bien couru. Et
je n'ai pas donne reponse parce que tout le monde etait couche, et la
maison etait fermee quand je suis revenu.
MADAME BONARD.--Tu es donc rentre bien tard? C'est de ta faute aussi: si
tu n'avais pas perdu une dinde, tu n'aurais pas eu a la chercher. Tache
que cela ne recommence pas: je veux bien te le pardonner une premiere
fois, mais, si tu en perds encore, tu la payeras."
Julien ne repondit pas. Que pouvait-il dire? Lui-meme n'y comprenait
rien. Il resolut de ne plus faire les commissions de Frederic, et de ne
plus quitter ses dindes jusqu'a ce qu'elles fussent rentrees pour la
nuit; en attendant l'heure de les mener dans les champs, il fit son
ouvrage comme d'habitude et une partie de celui de Frederic, qui etait
toujours le dernier au travail.
II
DEUX DINDES PERDUES
La semaine se passa heureusement pour Julien, les dindes etaient au
grand complet. Un soir, pendant que Julien curait l'etable des vaches,
apres avoir compte ses dindons en presence de Frederic, ce dernier
l'appela:
"Julien, va vite au moulin et rapporte-nous du son, il en faut pour les
chevaux qui vont rentrer; je n'en ai pas seulement une poignee.
JULIEN.--Pourquoi n'y as-tu pas ete apres diner? M. Bonard te l'avait
dit.
FREDERIC.--Je n'y ai pas pense; j'avais les bergeries a nettoyer.
JULIEN.--Et pourquoi n'y vas-tu pas toi-meme? Moi aussi, j'ai mes
etables a curer.
FREDERIC.--Ah bien! tu les finiras plus tard. Je suis presse d'ouvrage;
mon pere m'attend.
JULIEN.--Je vais rentrer mes dindes et j'y vais.
FREDERIC.--Tu vas encore perdre du temps apres tes dindes, je vais te
les rentrer.
JULIEN.--Tu sais que mon compte y est; quarante-sept.
FREDERIC.--Oui, oui; prends vite une brouette pour ramener le sac de
son."
Julien hesita un instant; mais, prenant son parti, il saisit une
brouette et partit en courant. Le moulin n'etait pas loin. Une
demi-heure apres, Julien ramenait a Frederic la brouette avec le son.
Ses dindes etaient rentrees, il se remit a l'ouvrage; tout etait fini
quand Bonard ram
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