s du visage, et lui dit d'une voix
etouffee par l'emotion:
"Malhonnete! Scelerate! Vous avoir perdu les _papers_ a moi! Voyez,
voyez, grosse malheureuse. Les _sketches_ (dessins) de tous mes
fabrications! Les comprennements de tous mes machines! Quoi je ferai a
present? Quoi je presenterai a mes amis d'Angleterre?"
Bonard, qui le considerait comme un fou, ne se facha pas des injures ni
de la colere injuste de l'Anglais. Il regarda les papiers a mesure que
M. Georgey les deployait, et dit avec calme:
"Il n'y a pas de mal, Monsieur l'Anglais, ce ne sera rien! Il ne s'agit
que de faire secher tout cela; il n'y paraitra seulement pas. Je vais
appeler ma femme, elle vous donnera un coup de main.
L'ANGLAlS.--Arretez! Moi savais pas vous etiez le mari de Madme. Une
minute, s'il vous plaisait. Je voulais mes habits sur mes epaules et mon
inexpressible sur mes jambes. Je vous demandais des excuses, je savais
pas Madme etait votre femme. En verite, j'etais bien repenti."
Tout en parlant, M. Georgey s'etait habille; il attendit en grelottant
l'arrivee de Mme Bonard, que son mari avait ete chercher. Quand elle
entra, il s'epuisa en saluts, en excuses, que n'ecouterent ni le mari ni
la femme.
"Allume vite du feu, Bonard. Ce pauvre Monsieur tremble a faire pitie.
Chauffe-le du mieux que tu pourras; moi je vais mettre des fers au feu
pour secher et repasser ses papiers, auxquels il parait tenir."
L'Anglais se laissa tourner et retourner par Bonard devant un feu
flamboyant; Mme Bonard repassait et repliait les papiers pendant que
l'Anglais etait enveloppe de la vapeur qu'exhalaient ses habits humides.
Il fallut une demi-heure pour rechauffer l'homme et faire secher ses
vetements.
Lorsqu'il se sentit sec et chaud, il dit a Bonard d'un ton radouci et
modeste:
"J'esperais avoir mon turkey, _my dear sir_ (mon cher Monsieur).
BONARD.--Ecoutez, mon bon Monsieur, et tachez de comprendre. La dinde
que vous appelez _Turkey_ (je ne sais pourquoi) n'est pas a vous,
mais a moi."
L'Anglais fait un mouvement.
BONARD.--Permettez; laissez-moi achever. C'est Alcide qui vous l'a
vendue?
L'ANGLAIS.--Oh _yes_! Alcide. _Good fellow_! il vendait a moi
si bonnes _turkeys_!
BONARD.--Eh bien, Alcide me l'a volee et il vous l'a vendue.
L'ANGLAIS.--Oh! Alcide! si bonne _fellow_! Et Fridrick aussi!
BONARD.--Il vous en a deja vendu deux autres, n'est-ce pas?
L'ANGLAIS.--Oh oui! excellentes!
BONARD.--Alcide les avait volees
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