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articuler une parole.
MADAME BONARD.--Qu'y a-t-il, mon Julien? Pourquoi M. Georgey est-il avec
toi? Pourquoi rit-il si fort?
JULIEN.--Il parait qu'il etait ici tout pres, cache dans un buisson,
pendant que je defendais mes dindes contre cette dame qui voulait m'en
prendre une. Des qu'elle a ete partie, il a saute hors de son buisson,
il est arrive a moi en courant; il a voulu me saisir les mains, je me
suis defendu avec ma baguette, je l'ai cingle de mon mieux. Au lieu de
se facher, il s'est mis a rire; plus je cinglais, plus il riait et
le voila qui rit encore a s'etouffer. Tenez, voyez, le voila qui se
roule... Je vais me sauver avec mes dindes;... le voila qui se calme; il
ne disait qu'un seul mot, toujours le meme: _tarke, tarke_!"
Les rires de l'Anglais reprirent de plus belle.
MADAME BONARD.--N'aie pas peur, mon Julien, reste la; ce M. Georgey
veut une bete de ton troupeau, qu'il appelle _tarke_. Et voici sa
servante, Mlle Caroline, qui venait en acheter une; c'est moi qui te
l'envoyais.
JULIEN, _trouble_.--Je ne savais pas, maitresse. Je vous fais bien
mes excuses, ainsi qu'a Mlle Caroline. Je craignais, ne la connaissant
pas, qu'elle ne me volat une de vos dindes, comme l'avait fait Alcide."
L'Anglais, voyant l'air confus de Julien, crut que Mme Bonard le
grondait. Son rire cessa a l'instant; il se releva et dit:
"Vous, Madme Bonarde, pas gronder Juliene: Juliene il etait une honnete
petite, une excellente petite; il avait battu mon Caroline beaucoup
fort; il avait pousse le _money_ de Caroline; il avait voulu boxer
Caroline; il avait battu moi. C'etait tres bien, parfaitement excellent.
J'aimais beaucoup fort Juliene; je voulais le prendre avec les
_turkeys_; Madme Bonarde, je voulais emporter Juliene avec les
_turkeys_. Il etait un honnete garcone; j'aimais les honnetes
garcones. _Good fellow, you, little dear_, ajouta M. Georgey en
passant la main sur la tete de Julien. Oh oui! _good fellow_,
toi venir avec les _turkeys_ chez moi, dans mes services? Oh
_yes_! Disait vitement _yes_, petite Juliene.
MADAME BONARD.--Mais, Monsieur, je ne veux pas du tout laisser venir
Julien chez vous. Je veux le garder.
M. GEORGEY.--Oh! Madme Bonarde! Vous si aimable! Vous si excellent!
J'aimais tant un honnete garcone!
MADAME BONARD.--Et moi aussi, Monsieur, j'aime les honnetes garcons, et
c'est pourquoi j'aime Julien et je le garde.
M. GEORGEY.--Ecoute, petite Juliene, si toi venais chez moi, je
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