, femme? tu as l'air tout en colere contre
Frederic; il n'a pas fait pourtant grand mal en se reposant une heure.
MADAME BONARD.--Bah! il n'etait pas fatigue; il n'avait pas besoin de se
reposer.
BONARD.--Qu'en sais-tu?
MADAME BONARD.--Je sais ce que je sais. Frederic, va me chercher des
pommes de terre et le morceau de porc frais dans la cave."
Frederic, etonne du ton sec de sa mere, sortit tout tremble et alla a la
cave, mais pour n'y rien trouver, puisqu'il venait de manger avec Alcide
ce que sa mere demandait.
"Que vais-je dire? se demanda-t-il. Alcide me conseille de nier que
j'y ai touche, mais ils ne le croiront pas. Cet Alcide est par trop
gourmand; j'avais beau lui dire de n'y pas toucher, de nous contenter de
ce qu'on m'avait laisse (et il y en avait grandement pour deux), il m'a
fallu lui ceder. Il m'aurait battu! C'est qu'il me tient, a present.
J'ai partage avec lui le profit des dindons, et je ne peux plus m'en
depetrer. Avec cela qu'il me mene toujours a mal et que je ne suis guere
heureux depuis que je l'ai ecoute; j'ai toujours peur de mes parents,
de Julien, d'Alcide lui-meme.... Il est mechant cet Alcide; il serait
capable de me denoncer, de dire que c'est moi qui l'ai conseille, et je
ne sais quoi encore. Quand il me fait ses raisonnements, il me semble
qu'il dit vrai; mais quand je me retrouve seul, je sens qu'il a tort....
Pourquoi l'ai-je ecoute, mon Dieu! Pourquoi n'ai-je pas fait comme
Julien!
JULIEN, _accourant_.--Frederic! Frederic! Mme Bonard te demande;
elle s'impatiente; elle dit qu'il lui faut sa viande tout de suite pour
qu'elle ait le temps de la preparer pour ce soir."
Frederic ne savait que dire. Julien le regardait avec etonnement.
"Qu'as-tu donc? Es-tu malade?
FREDERIC.--Non, pas malade, mais embarrasse; je ne trouve pas le morceau
de porc; je ne sais que faire.
JULIEN, _l'examinant_.--Mais qu'est-il devenu?
FREDERIC.--Je n'en sais rien; quelqu'un l'aura pris.
JULIEN.--Pris! Ici, dans la cave! C'est impossible! Dis-moi vrai; tu
l'as mange?"
Frederic ne repondit pas.
JULIEN.--Tu l'as mange, et pas seul, n'est-ce pas?
FREDERIC, _effraye_.--Tais-toi! si on t'entendait!
JULIEN.--Ecoute, Frederic, je sais qu'Alcide etait avec toi tantot; je
devine qu'il t'a donne de mauvais conseils, comme il fait toujours.
Sais-tu ce qu'il faut faire? Avoue la verite a ta mere, elle est si
bonne; elle te pardonnera si elle voit que tu te repens sincerement.
FREDERIC.-
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