M. Georgey pour les
faire cesser.
JULIEN.--Mais as-tu reellement envie de t'engager, Frederic?
FREDERIC.--C'est le seul moyen pour moi d'echapper au mepris et a la
colere de mon pere! Si tu savais comme je suis malheureux depuis pres de
deux ans que j'ai repris mon travail avec mon pere! J'ai fait de bien
grandes fautes, c'est vrai; mais je les ai tant regrettees! J'en ai eu
un si grand chagrin, que mon pere aurait du avoir pitie de moi et me les
pardonner comme a fait ma mere. Quand je serai soldat, on ne pensera
plus a moi; et si j'ai le bonheur d'etre tue dans un combat, on me
pardonnera peut-etre. J'ai ete voir plusieurs fois notre bon cure; il
a cherche a me consoler. Il trouve que je ferais bien de partir pour
l'armee.
JULIEN.--Je trouve aussi que ta pensee est bonne; mais que deviendront
tes pauvres parents, ta pauvre mere, surtout?
FREDERIC.--Tu leur resteras, Julien: ils t'aiment beaucoup, et ils ont
bien raison. Ah! si j'avais fait comme toi! Si j'avais repousse les
conseils de ce mechant Alcide! Si je t'avais ecoute!"
Frederic tendit la main a Julien, qui la serra dans les siennes.
FREDERIC.--Mon cher Julien! j'ai ete jaloux de toi parce que tu etais
bon! Je t'ai deteste parce que tu avais refuse de faire comme moi!
Pardonne-moi, Julien! Sois mon ami, mon frere! Je t'aime a present."
Julien se jeta dans les bras de Frederic.
JULIEN.--Oui. Frederic, je suis ton ami, ton frere. Je garderai ta place
pour ton retour."
Ils causerent longtemps encore. Frederic sentit son coeur soulage apres
cette conversation; sa tristesse se dissipa, et il se raffermit dans ses
bons sentiments.
Tous deux servirent M. Georgey pendant son diner, et tous deux
s'efforcerent de lui temoigner leur reconnaissance par mille petits
soins, que M. Georgey recevait avec plaisir et affection.
XXI
LES ADIEUX
Cinq a six jours apres, Caroline apporta a M. Georgey une lettre timbree
de Lyon. Il la lut et appela Frederic.
"Voila, dit-il, c'etait le reponse du colonel."
Frederic prit la lettre et lut:
"Mon cher Georgey, envoyez-moi de suite le jeune homme dont vous me
parlez, et auquel vous prenez un si vif interet. J'en aurai soin: soyez
tranquille sur son avenir. Il faudra qu'il passe six mois au depot du
regiment. Apres ce temps, je me le ferai envoyer en Algerie, ou nous
sommes pour quelques annees encore. J'espere que vous n'oublierez pas la
visite que vous m'avez promise. Vous trouverez ici de quoi s
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