ami. Le conseil de guerre sera compose d'amis. Ils
t'acquitteront peut-etre.
FREDERIC.--Vous cherchez a m'encourager, mon marechal des logis. Vous
etes bon! Je vous remercie. Mais le code militaire? C'est la mort que
j'ai meritee. Et avant la mort, la degradation: la honte pour moi, pour
les miens! Oh! mon Dieu!
LE MARECHAL DES LOGIS.--J'ai fait mon rapport le plus doux possible pour
toi, mon ami. Pour Bourel, c'est autre chose.
FREDERIC.--Alcide? Il vous a touche?
LE MARECHAL DES LOGIS.--Touche! Tu es bien bon; repousse, battu, il m'a
appele _canaille_, et il m'a assene un coup de poing dans l'estomac
qui a failli me jeter par terre. Celui-la, qui est un gredin, un mauvais
soldat, je ne l'ai pas menage, j'ai dit toute la verite. Il est sur de
son fait, lui: la mort sans remission.
FREDERIC.--Alcide! La mort! Le malheureux! quel mal il m'a fait! il a
toujours ete mon mauvais genie, Satan acharne a ma perte.
LE MARECHAL DES LOGIS.--Au revoir, mon pauvre Bonard. Quand tu seras
plus calme, je reviendrai avec le lieutenant pour savoir le detail de
ce qui s'est passe avant mon arrivee. Espere, mon ami, ne te laisse pas
abattre. Les officiers auront egard a ta bonne conduite, a ta bravoure.
Le colonel, le premier, fera ce qu'il pourra pour toi.
FREDERIC.--Merci mon marechal des logis; merci du fond du coeur."
En sortant de chez Bonard, le marechal des logis entra dans le cachot
d'Alcide.
"Que voulez-vous? dit ce dernier d'un ton brusque.
LE MARECHAL DES LOGIS.--Je veux voir si tu as regret de ta conduite
d'hier. Le repentir pourrait ameliorer ta position et disposer a
l'indulgence.
ALCIDE, _d'un ton bourru_.--Me prenez-vous pour un imbecile? Est-ce
que je ne connais pas le code militaire? Croyez-vous que je ne sache pas
que je serai fusille? Ca m'est bien egal. Pour la vie que je mene
dans votre sale regiment, j'aime mieux mourir que trainer le boulet.
Chargez-moi, inventez, mentez, je me moque de tout et de tous.
LE MARECHAL DES LOGIS.--Je vous engage a changer de langage, si vous
voulez obtenir un jugement favorable.
ALCIDE.--Je ne changerai rien du tout; je sais que je dois crever un
jour ou l'autre. J'aime mieux une balle dans la tete que le cholera
ou le typhus qu'on attrape dans vos mechantes casernes. Laissez-moi
tranquille et envoyez-moi a manger; j'ai faim."
Le marechal des logis lui jeta un regard de mepris et le quitta.
"J'ai faim!" repeta Alcide avec colere pendant que le marechal
|