-Je n'oserai jamais; mon pere me battrait.
JULIEN.--Non; tu sais que ce qui le met en colere contre toi, c'est
quand il voit que tu mens; mais, si tu lui dis la verite, il te
grondera, mais il ne te touchera pas."
Pendant que Frederic hesitait, Mme Bonard s'impatientait.
"Je n'aurai pas le temps de faire cuire ma viande,... dit-elle. Je vais
y aller moi-meme; ce sera plus tot fait."
Elle arriva en effet au moment ou Julien disait sa derniere phrase.
MADAME BONARD.--Qu'est-ce qu'il y a? Encore une de tes sottises,
Frederic?"
Frederic tressaillit et resta muet.
JULIEN.--Parle donc! Dis a Mme Bonard ce que tu me disais tout a
l'heure, que tu es bien fache, que tu ne recommenceras pas."
Frederit continuait a se taire; Mme Bonard, etonnee, regardait tantot
l'un, tantot l'autre.
MADAME BONARD.--Ou est le morceau de porc frais? L'aurais-tu mange en
compagnie de ce gueux d'Alcide?
JULIEN.--Tout juste, maitresse; et c'est ce que Frederic n'ose vous
dire, malgre qu'il en ait bonne envie et qu'il le regrette bien. Et il
promet bien de ne pas recommencer.
MADAME BONARD.--C'est-il bien vrai ce que dit Julien?
FREDERIC.--Oui, maman, tres vrai; Alcide m'a oblige de lui laisser
manger le morceau que vous aviez prepare pour ce soir, et il m'a oblige
a le partager avec lui.
MADAME BONARD.--Oblige! Oblige! c'est que tu l'as bien voulu. Mais
enfin, puisque tu l'avoues, que tu ne mens pas comme d'habitude, je veux
bien te pardonner et n'en rien dire a ton pere. Mais ne recommence
pas, et ne fais plus de niaiseries avec ce mechant Alcide qui te mene
toujours a mal. Julien, cours vite chercher quelque chose chez le
boucher, et reviens tout de suite."
Julien y courut en effet et rapporta un morceau de viande, que Mme
Bonard se depecha de mettre au feu. Bonard ne se douta de rien, car il
etait parti pour travailler, et quand il entra, la soupe etait prete,
la viande cuite a point et le couvert mis. Mme Bonard profita de son
tete-a-tete avec Frederic pour lui parler serieusement, pour lui
demontrer le mal que lui faisait Alcide, et les chagrins qu'il leur
preparait a tous. Frederic promit de ne plus voir ce faux ami, et fut
tres satisfait de s'en etre si bien tire.
IX
IL A JULIEN
Pendant quelques jours tout alla bien; Frederic fuyait Alcide; Julien
menait ses dindes aux champs, M. Georgey venait l'y rejoindre tous les
jours a deux heures, s'asseyait pres de lui, ne disait rien de ses
projets et se fa
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