.--Viens achever ton souper, mon pauvre Julien, je suis
fachee de t'avoir fait courir pour rien. Mangez tous les deux, vous
devez avoir faim; l'heure est avancee."
Frederic et Julien ne se le firent pas dire deux fois; ils mangerent la
soupe, de l'omelette au lard, du boudin et des groseilles: un souper
soigne: c'etait le dernier que devait faire Julien chez eux.
XI
DEPART POUR LA FOIRE
Le lendemain matin, comme Julien finissait son ouvrage, Mme Bonard vint
le chercher pour aller a la foire. Ils se mirent en route.
MADAME BONARD.--Dis donc, Julien, si nous prenions M. Georgey en passant
devant sa porte? Il ne va pas pouvoir s'en tirer tout seul a la foire;
il se fera attraper, voler, bien sur.
JULIEN.--Maitresse, si vous voulez, nous y passerons seulement pour lui
dire qu'il m'attende, que je viendrai le chercher vers midi.
MADAME BONARD.--Et pourquoi pas l'emmener tout de suite, puisque nous y
allons?
JULIEN.--Maitresse, c'est que..., c'est que... j'aimerais mieux que nous
ayons fini nos emplettes sans lui.
MADAME BONARD.--Pourquoi cela?
JULIEN.--Parce que... je crains... que..., que..., qu'il ne veuille tout
payer. Et il m'a deja tant donne, que j'en serais honteux.
MADAME BONARD.--Tu as raison. Julien. C'est une bonne et honnete pensee
que tu as la." Mme Bonard lui donna une petite tape sur la joue, et ils
continuerent leur chemin.
Julien monta chez M. Georgey pendant que Mme Bonard se reposait en
causant avec Caroline, qui s'appretait aussi pour la foire.
"Monsieur, dit Julien en entrant, pardon, si je vous derange.
M. GEORGEY.--Pas derangement du tout, petite Juliene. Moi satisfait voir
toi: je voulais aller au foire avec toi.
JULIEN.--Oui, Monsieur; je venais tout juste vous demander de m'attendre
jusqu'a midi, je viendrai vous prendre.
M. GEORGEY.--Moi aimer plus aller dans le minute. Moi voulais acheter
une multitude de choses.
JULIEN.--Il y aura plus de marchands a midi, Monsieur.
M. GEORGEY.--Alors moi garder toi, petite Juliene; nous mangerons un
_turkey_ auparavant le foire.
JULIEN.--Je ne peux pas, Monsieur; il faut que je m'en aille.
M. GEORGEY.--Quoi c'est cet impatientement? Pourquoi il fallait partir
toi seul?
JULIEN, _avec hesitation._--Parce que Mme Bonard m'attend a la
porte, Monsieur, et que...
M. GEORGEY.--Oh! _my goodness!_ Madme Bonarde attendait et moi pas
savoir! C'etait beaucoup malhonnete, petite Juliene."
Et, avant que Julien eut pu
|