pendant que tu t'amusais?"
Frederic ne repondit pas.
BONARD.--Nous avons ete voles... Tu ne dis rien. Tiens, regarde
l'armoire, on l'a brisee; on a pris l'argent du pauvre Julien; on a
emporte nos deux plus belles dindes. Pourquoi es-tu parti avant le
retour de ta mere?... Mais parle donc! Tu es la comme un oison, a
ecarquiller tes yeux. Qui est le voleur? Le connais-tu? l'as-tu vu?
FREDERIC.--Je n'ai rien vu. Je ne sais rien; j'etais parti... Je
croyais... Je ne savais pas.
BONARD.--Va te coucher. Tu m'impatientes avec ta figure hebetee. Demain
tu t'expliqueras. M. Georgey t'aura fait boire comme ce pauvre Julien.
Va-t'en."
Frederic ne se le fit pas repeter; il alla dans sa chambre, plus inquiet
encore que lorsqu'il etait arrive. Il se coucha, mais il ne put dormir.
Au petit jour il tendit l'oreille, croyant toujours entendre M. Georgey.
L'heure de se lever etait arrivee; Bonard alla soigner les chevaux;
Julien leve depuis longtemps, l'aidait de son mieux; Frederic n'osait
quitter son lit et faisait semblant de dormir.
Enfin, vers huit heures, sa mere entra, le secoua. Frederic, feignant
d'etre eveille en sursaut, sauta a bas de son lit.
FREDERIC.--Quoi? Qu'est-ce que c'est? Les voleurs?
MADAME BONARD.--Il faut te lever, Frederic. Ton pere a dejeune avec
nous, puis il est parti pour aller faire sa declaration a la ville.
Voyons, habille-toi et viens manger ta soupe."
Frederic se leva.
Il n'avait pas prevu que son pere porterait plainte du vol commis a la
ferme; toutes ses craintes se reveillerent. Il tremblait, ses dents
claquaient.
MADAME BONARD.--Quelle drole de mine tu as! De quoi as-tu peur?
FREDERIC.--De rien, de rien. Ce n'est pas moi qui vous ai voles. Ce sont
les chemineaux.
MADAME BONARD.--Comment le sais-tu? Tu les as donc vus?
FREDERIC.--Je n'ai rien vu. Comment les aurais-je vus? De quoi
aurais-peur? Ou est Julien? Est-ce que M. Georgey est venu?
MADAME BONARD.--Non. Pourquoi viendrait-il?
FREDERIC.--Pour le vol. Vous savez bien.
MADAME BONARD.--Mais en quoi cela regarde-t-il M. Georgey?
FREDERIC.--Je n'en sais rien. Est-ce que je peux savoir? Puisque je n'y
etais pas.
MADAME BONARD.--Tiens, tu ne sais pas ce que tu dis. Viens manger ta
soupe, il est tard.
FREDERIC.--Je n'ai pas faim.
MADAME BONARD.--Tu es donc malade? Tu es pale comme un mort? Voila ce
que c'est que de trop s'amuser et rentrer si tard. Viens manger tout de
meme. Il ne faut pas rester a jeun,
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