ie, mon enfant; je n'oublierai
point ce trait de ton bon coeur."
Mme Bonard l'embrassa, mit sa piece d'or dans un petit sac et se dit:
"Puisse l'Anglais remplir ce sac; ce serait une fortune pour cet
excellent enfant! Quel malheur que Frederic ne lui ressemble pas!"
La veille du jour de la foire, M. Georgey vint a la ferme Bonard.
"Madme Bonarde, dit-il en entrant, combien il reste de _turkeys_ a
vous?
MADAME BONARD.--Vous en avez mange douze, Monsieur: il m'en reste
trente-quatre.
M. GEORGEY.--Madme Bonarde, vous vouloir, s'il plait a vous, les
conserver pour moi?
MADAME BONARD.--Mais, Monsieur, je ne puis pas les garder si longtemps:
leur nourriture couterait trop cher.
M. GEORGEY.--Madme Bonarde, moi aimer enormement beaucoup le
_turkey_; moi payer graine et tout pour leur graissement, et moi
payer dix francs par chacune _turkey_.
MADAME BONARD.--Oh non! Monsieur, c'est trop. Du moment que vous payez
la nourriture, six francs par bete, c'est largement payer.
M. GEORGEY.--Madme Bonarde, moi, pas aimer ce largement: moi aimer
le justice et moi vouloir forcement, absolument payer dix francs, Je
voulais. Vous savez, je voulais.
MADAME BONARD.--Comme vous voudrez, Monsieur: je vous remercie bien,
Monsieur: c'est un beau present que vous me faites et que je ne merite
pas.
M. GEORGEY.--Vous meritez tout a fait bien. Vous tres excellente pour
ma petite Juliene, et moi vous demander une grande chose par charite.
Donnez-moi le petite Juliene. Je vous demande tres fort. Donnez-moi le
petite Juliene.
MADAME BONARD.--Mais, Monsieur, je veux que mon Julien ne change pas sa
religion: les Anglais ne sont pas de la religion catholique comme nous.
M. GEORGEY.--Oh! _yes_! moi Anglais catholique, moi du pays
Irlande: le petite Juliene catholique comme moi. Vous voyez pas moi a
votre eglise comme vous!... Pourquoi vous pas dire rien? Je vous demande
le petite Juliene."
Mme Bonard pleurait et ne pouvait repondre.
M. GEORGEY.--Vous pas comprendre, le petite Juliene etre tres fort
heureuse avec moi. Lui apprendre tout: avoir l'argent beaucoup: avoir le
bonne religion catholique. Tout ca excellent.
MADAME BONARD.--Vous avez raison, Monsieur: je le sais, je le vois...
Prenez-le, Monsieur, mais apres la foire.
M. GEORGEY.--Bravo, Madme Bonarde, vous bonne creature: moi beaucoup
remercier vous. Je viendrai le jour de lendemain du foire. Adieu,
bonsoir."
M. Georgey s'en alla se frottant les mains: en
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