ien de
mal.
ALCIDE.--Sois tranquille. Mais separons-nous, de peur qu'on ne te voie;
je t'expliquerai ca dimanche quand nous nous reverrons ici."
Et les deux amis se quitterent.
Quand Bonard rentra du labour avec Frederic qui etait venu le rejoindre,
et qu'il ne laissait plus seul a la maison que pour le travail
necessaire, Mme Bonard leur raconta les aventures de l'apres-midi.
Bonard rit beaucoup; il fut touche du desinteressement et du devouement
de Julien.
"Merci, mon garcon, dit-il; je n'oublierai pas cette preuve d'amitie que
tu nous as donnee. Merci."
Frederic avait ecoute en silence. Quand le recit fut termine, il dit a
Julien:
--Il est donc bien riche, cet imbecile d'Anglais? Tu aurais du garder
son argent.
JULIEN.--Il n'est pas imbecile, mais trop bon. Je pense qu'il est riche,
mais je n'avais pas merite l'or qu'il m'offrait, et je ne voulais pas
accepter son offre de le suivre.
FREDERIC.--Je trouve que tu as ete tres bete dans toute cette affaire.
BONARD, _sechement_.--Tais-toi! Tu n'as pas le coeur qu'il faut
pour apprecier la conduite de Julien."
VII
DINER DE M. GEORGEY
Le lendemain, Frederic, qui etait de mauvaise humeur de n'avoir pas ete
invite chez M. Georgey, s'en prit a Julien et recommenca a le blamer de
n'avoir pas accepte l'or de l'Anglais.
JULIEN.--Mais tu vois bien qu'il me le donnait pour entrer a son
service, et je voulais rester ici.
FREDERIC.--C'est ca qui est bete! Chez l'Anglais, tu serais devenu
riche, il t'aurait paye tres cher: tu aurais pu gagner sur les achats
qu'il t'aurait fait faire.
JULIEN.--Comment ca? Comment aurais-je gagne sur les achats?
FREDERIC.--C'est facile a comprendre, Alcide me l'a explique. Tu achetes
pour deux sous de tabac: tu lui en comptes trois: tu prends un paquet de
chandelles, trois francs: tu comptes trois francs cinquante; et ainsi de
suite.
JULIEN, _avec indignation_.--Et tu crois que je ferais jamais une
chose pareille!
FREDERIC.--Tiens, par exemple Alcide le fait toujours. Il dit que c'est
pour payer son temps perdu a faire des commissions, et c'est vrai, ca:
alors, c'est avec cela qu'il s'amuse, qu'il achete des cigares, des
saucisses, toutes sortes de choses, et il ne s'en porte pas plus mal.
JULIEN.--Non, mais il se gate de plus en plus et devient de plus en plus
malhonnete. Prends garde, Frederic! c'est un mauvais garcon! Ne l'ecoute
pas, ne fais pas comme lui!
FREDERIC.--Vas-tu me precher, a present
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