vides, mon maitre serait capable de
tomber malade.
MADAME BONARD.--Mais je ne les ai pas, elles sont aux champs.
CAROLINE.--Il faut que nous y allions; je ne veux pas rentrer sans la
dinde.
MADAME BONARD.--Ecoutez; allez le long du bois, tournez dans le champ
a gauche, vous trouverez Julien avec les dindes, et vous ferez votre
choix. Vous connaissez Julien, je pense?
CAROLINE.--Ma foi, non; il n'y a pas longtemps que je suis dans le pays,
je n'y donnais pas beaucoup de monde.
MADAME BONARD.--Vous le reconnaitrez tout de meme, puisqu'il n'y a que
lui qui garde mes dindes dans le champ. Le long du bois, puis a gauche.
CAROLINE.--C'est entendu; et je payerai Julien?
MADAME BONARD.--Comme vous voudrez; nous nous arrangerons."
Caroline partit; elle prit le chemin que lui avait indique Mme Bonard,
et trouva Julien avec son troupeau.
VI
LES PIECES D'OR DE M. GEORGEY
A mesure que Caroline approchait, Julien la regardait et s'inquietait;
craignant quelque nouvelle aventure, il fit avancer ses dindons a grands
pas. Mais Caroline marchait plus vite que les dindons; elle ne tarda pas
a le rejoindre. Elle examina attentivement les betes pour avoir la plus
belle.
L'inquietude de Julien augmenta; il ne quittait pas des yeux Caroline,
et fit siffler sa baguette pour lui faire voir qu'il etait pret a
defendre a main armee le troupeau dont il avait la garde.
Caroline n'y fit pas attention; elle ne se doutait pas de la mefiance
dont elle etait l'objet.
Mais quand Julien la vit se baisser pour saisir la dinde qu'elle avait
choisie, il lui appliqua un coup de sa baguette sur les mains et
s'avanca sur elle d'un air menacant. Caroline poussa un cri.
JULIEN.--Ne touchez pas a mes dindes, ou je vous cingle les doigts
d'importance.
CAROLINE.--Que tu es bete! Tu m'as engourdi les doigts, tant tu as tape
fort. On ne plaisante pas comme ca, Julien.
JULIEN.--Je ne veux pas que vous touchiez a mes betes; allez-vous-en.
CAROLINE.--Mais puisque j'en ai achete une a Mme Bonard! C'est elle qui
m'a envoye ici pour la choisir.
JULIEN.--Ta! ta! ta! je connais cela. Je ne m'y fie plus. On m'en a deja
vole deux; je ne me laisserai pas voler une troisieme fois.
CAROLINE.--Tu es plus sot que tes dindes, mon garcon. J'ai fait le prix
avec Mme Bonard; voici quatre francs pour payer ta dinde, est-ce voler,
cela?
JULIEN.--Je n'en sais rien, mais vous n'y toucherez pas que Mme Bonard
ne m'en ait donne l'ordre. E
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