nt; il est revenu avec un dindon sous le bras. Avant que j'aie
pu l'en empecher, il a fait le marche avec l'Anglais, qui est parti tout
de suite emportant le dindon. Alcide m'a donne deux francs, me demandant
de n'en rien dire; j'etais tout ahuri, je ne savais ce que je faisais;
Alcide s'est sauve, et moi je m'en suis alle aussi.
BONARD.--Et les deux francs?
FREDERIC.--Je n'ai pu les rendre, Alcide s'etait sauve.
BONARD.--Et la seconde fois?
FREDERIC.--Ca s'est fait de meme.
BONARD.--Et tu t'es laisse faire, sachant ce qui allait arriver? Et tu
as encore empoche l'argent, sachant que c'etait un vol? Et tu n'as pas
rougi de laisser accuser Julien une seconde fois? Et tu n'as pas ete
honteux de voler ton pere, ta mere, et de t'y faire aider par un
vaurien, par un voleur comme toi-meme? Tu mens, tu augmentes ta faute et
ta punition."
Bonard empoigna Frederic et lui administra une rude correction bien
meritee. Il le rejeta ensuite sur le tas de paille et sortit de
l'ecurie.
V
TOUS LES TURKEYS
Quand Bonard rentra a la maison, il raconta a sa femme ce qui s'etait
passe entre lui et Frederic. Mme Bonard pleura, tout en trouvant que son
mari avait eu raison.
Pendant deux ou trois jours, tout le monde fut triste et silencieux a
la ferme; petit a petit les Bonard oublierent les torts graves de leur
fils. Frederic oublia la punition qu'il avait subie, et Julien oublia la
conduite de Frederic a son egard.
Tout marchait donc regulierement dans la maison Bonard.
Quand M. Georgey fut revenu chez lui, il changea de vetements, et alla
dans le petit cafe tenu par le pere d'Alcide.
M. GEORGEY.--Mossieu Bourel, je venais vous dire, votre jeune gentleman
Alcide etait une malhonnete.
BOUREL.--Alcide! Pas possible, Monsieur Georgey. C'est un garcon de
confiance.
M. GEORGEY.--Je disais, moi, c'etait une garcon voleur; il m'avait vole
l'argent du _turkey_; j'avais tire, et mis dans les mains a lui,
houite francs. Et quoi j'avais? rien du tout. Le _turkey_ avait
couru, que je ne pouvais pas le rattraper; et houite francs Alcide avait
remportes dans son poche. Et moi etais pas content; et moi disais a
vous, Alcide etait une malhonnete."
"Alcide, viens donc t'expliquer avec M. Georgey; il n'est pas content de
toi."
Alcide entra et dit d'un air hypocrite:
"Je suis bien fache, Monsieur Georgey, de vous avoir mecontente; tout
ca, c'est la faute de Julien.
M. GEORGEY, _vivement_.--Comment tu disais?
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