uoi injuriez-vous Julien?
L'ANGLAIS, _toujours les bras croises_.--Juliene! C'etait Juliene,
cette petite! _Very well_... Juliene, tu etais une petite
malhonnete, une petite voleur, une petite... abomin'ble.
BONARD.--Ah ca! Monsieur, aurez-vous bientot fini vos injures?
L'ANGLAIS.--Je vous parlais pas, sir. Je vous connaissais pas.
Laissez-moi la tranquillite. Je parlais au petite; il etait une petite
gueuse, et je voulais boxer lui.
BONARD.--Si vous y touchez, je vous donnerai de la boxe: essayez
seulement, vous verrez!"
L'Anglais, pour toute reponse, se mit en position de boxer, et Bonard
aurait recu un coup de poing en pleine poitrine s'il n'avait esquive
le coup en faisant un plongeon: l'Anglais s'etait lance avec tant de
vigueur contre Bonard, qu'il trebucha et alla rouler dans le jus de
fumier, la tete la premiere.
Julien courut a son secours et l'aida a se relever, pendant que Bonard
riait de tout son coeur.
L'Anglais etait debout, ruisselant d'une eau noire et infecte.
"Oh! _my goodness!_ Oh! _my God!_" repetait-il d'un ton
lamentable, mais sans bouger de place.
Mme Bonard avait entendu quelque chose de la scene et de la chute: elle
sortit, et, voyant ce malheureux homme noir et trempe, elle vint a lui.
"Mon pauvre Monsieur, s'ecria-t-elle, comme vous voila fait! Entrez a la
maison pour vous debarbouiller et nettoyer vos vetements."
L'Anglais la regarda un instant; la physionomie de Mme Bonard lui plut;
il la salua avec grace et politesse.
L'ANGLAIS.--Madme etait bien bonne. Je remercie bien Madme. J'etais un
peu crotte. Je n'osais salir le parloir de Madme.
MADAME BONARD.--Entrez, entrez donc, mon bon Monsieur; ne vous genez
pas.
L'ANGLAIS, _lui offrant le bras_.--Si Madme voulait accepter le
bras.
MADAME BONARD, _riant_.--Merci, mon cher Monsieur, ce sera pour une
autre fois; a present, vous n'etes pas en etat de faire vos politesses."
Mme Bonard se depecha de rentrer pour preparer de l'eau, du savon, un
baquet et du linge. L'Anglais la suivit a pas comptes, mais auparavant
il se retourna vers Julien et lui tendit la main en disant:
"Je te pardonnais, Juliene; tu m'avais aide, tu etais un _good
fellow_."
Il fit deux pas, se retourna et ajouta:
"Mais tu etais une petite voleur si tu ne me rendais pas ma grosse
turkey."
Quand il entra dans la maison, Mme Bonard lui fit voir le baquet, le
savon, le linge.
MADAME BONARD.--Voila. Monsieur; voulez-vous que je vous aid
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