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d'interruption.
--Vous connaissez ce jeune homme? dit-il.
--Je l'ai vu une seule fois; mais je connais sa mere, que j'ai soignee,
et c'est a son instigation que je me suis decide a vous presenter ces
observations.
--Sans doute, elles ont leur valeur; mais je vous ferai remarquer
qu'elles ne tendent a rien moins qu'a detruire notre hypothese.
--Si elle n'est pas fondee!
--Je vous ferai remarquer que vous etes negatif, monsieur le docteur,
et non suggestif. Nous avons un coupable et vous n'en avez pas. En
voyez-vous un?
Saniel crut s'apercevoir que le juge d'instruction le regardait avec une
persistance inquietante:
--Non, dit-il vivement.
Puis, s'etant leve, il ajouta avec plus de calme:
--Ce n'est pas dans mon role.
Il n'avait qu'a se retirer, ce qu'il fit, et en suivant le long
vestibule sonore il se dit que ce magistrat avait raison: il tenait un
coupable, croyait-il; pourquoi l'aurait-il lache?
Pour lui, il avait fait ce qu'il pouvait.
FIN DE LA PREMIERE PARTIE.
DEUXIEME PARTIE
I
Saniel avait passe les premieres epreuves de ses deux concours si
brillamment que les resultats n'en etaient douteux ni pour l'un ni pour
l'autre. En soutenant sa these pour l'agregation, il avait force son
auditoire a l'admiration: tour a tour agressif, hargneux, ironique,
eloquent, il avait si bien reduit son adversaire aux abois que celui-ci,
ecrase a la fin, n'avait rien pu repondre. Dans sa lecon d'une heure
qu'il avait faite sur la mort dans les maladies du coeur, il avait
deploye tant de clarte dans la demonstration, une si belle sobriete de
paroles, une eloquence scientifique si ferme, si simple, si sure que,
ses adversaires les plus injustes avaient du reconnaitre qu'il possedait
les qualites des grands professeurs: un brutal mais quelqu'un. Brutal,
il l'avait ete aussi dans les epreuves pour le concours des hopitaux:
comme son diagnostic etait oppose a celui de ses juges, sans
menagements, sans compliments, rien que pour l'amour du vrai, il avait
accumule tant de preuves fortes a l'appui de son opinion, une logique si
serree, une argumentation si entrainante, que le jury avait decide de
retourner au lit du malade, et qu'apres un nouvel examen, dans lequel il
avait reconnu son erreur, le president lui avait dit: "Quand je serai
malade, c'est vous qui me soignerez."
Que pouvait peser la mort de Caffie mise en balance avec tous ces
resultats? Si peu, qu'elle ne comptait meme pas
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