devons
deja, celle de maman, comme je te dois le bonheur; n'ai-je pas raison de
dire que tu es mon Dieu?
Quand elle fut partie pour revenir au plus vite pres de sa mere, il eut
un moment de retour sur soi qui lui fit regretter cette faiblesse; car
c'etait bien une faiblesse une sensiblerie bete, indignes d'un homme
fort, qui ne se serait pas laisse ainsi toucher et entrainer. Quel
besoin avait-il d'aller provoquer le danger quand il pouvait rester bien
tranquille, sans que personne pensat a lui? N'etait-ce pas une folie? La
justice voulait un coupable; il en fallait un a la curiosite publique:
pourquoi leur enlever celui qu'elles avaient? Qu'il y reussit, n'en
chercheraient-elles pas un autre? La etait l'imprudence et--a dire le
vrai mot--la demence. Maintenant qu'il n'etait plus sous l'influence
des beaux yeux eplores de Philis, il n'allait pas commettre cette
imprudence. Toute la soiree il s'affermit dans cette idee; et quand
il se coucha, sa resolution etait prise: il n'irait pas chez le juge
d'instruction.
Mais en s'eveillant il eut la surprise de constater que cette resolution
du soir n'etait plus celle du matin, et que ce dualisme de personnalite
qui deja l'avait frappe s'affirmait de nouveau: c'etait la nuit qu'il
avait resolu la mort de Caffie et le soir qu'il l'avait executee;
c'etait le matin qu'il en avait abandonne l'idee, comme c'etait le
matin qu'il revenait sur la decision prise la veille de ne pas aller
au secours de ce pauvre garcon, De quoi donc etait faite la volonte de
l'homme, ondoyante comme la mer et variable comme le vent, qu'il avait
eu la folie de croire si ferme chez lui?
A midi, il arrivait au Palais de Justice et faisait passer au juge
d'instruction sa carte, sur laquelle il avait simplement ecrit trois
mots: "Pour l'affaire Caffie."
Presqu'aussitot il fut recu, et brievement il exposa comment, selon lui,
Caffie avait ete tue d'une mort rapide et foudroyante, par une main
ferme en meme temps qu'intelligente, celle d'un tueur de profession.
--C'est la conclusion de votre rapport, dit le juge d'instruction.
--Ce que je n'ai pas pu indiquer dans mon rapport, puisque je ne
connaissais pas la trouvaille du bouton et les conclusions auxquelles
elle a conduit, c'est qu'il n'y a pas eu lutte, comme on le suppose,
entre l'assassin et sa victime.
Et medicalement, il demontra comment cette lutte avait ete impossible.
Le juge d'instruction l'ecouta attentivement, sans un mot, sans un ge
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