ee bruyante, il etait
reste debout pres de la porte: la reunion finie, il entretiendrait
Brigard en particulier.
Ce soir-la, c'etait une phrase de Chateaubriand qui servait de theme aux
discours: "Le tigre tue et dort; l'homme tue et veille", et, en ecoutant
les developpements auxquels elle pretait, Saniel se disait tout bas que
c'etait vraiment dommage de ne pouvoir pas repondre par un simple fait
d'experience personnelle a toute cette rhetorique: jamais il n'avait si
bien dormi, si tranquillement, que depuis que, par la mort de Caffie, il
s'etait debarrasse de tous les soucis qui en ces derniers mois, avaient
tant tourmente et abrege son sommeil. Glady s'etait particulierement
distingue et, du choc de cette antithese, il avait fait jaillir des
images qui avaient ete chaudement applaudies ou soulignees par de petits
cris d'admiration dont Brigard donnait le signal. A travers la fumee,
Saniel avait cherche Nougarede, pour voir quel effet produisait sur lui
ce succes de son rival, mais il ne l'avait pas trouve.
A la fin, Brigard avait resume la discussion en constatant que rien
ne prouvait mieux la puissance de la conscience humaine que cette
difference entre l'homme et la bete; puis, apres que les cruchons de
biere avaient ete vides, on s'etait retire: Glady le premier, la peur
d'avoir a subir un nouvel assaut de Saniel faisant passer avant la joie,
de gouter son triomphe celle d'echapper a un emprunt.
Alors Saniel, restant seul avec Brigard et Crozat, avait expose sa
demande.
--Mais c'est l'affaire Caffie?
--Precisement.
Et longuement il avait explique l'interet qu'il portait a Florentin,
fils d'une de ses clientes, ainsi que la situation de cette cliente.
--Eh bien, mon cher, le conseil que j'ai a vous donner, c'est de confier
l'affaire a Nougarede. Vous me direz: Nougarede, est ceci et cela.
Tout ce que vous voudrez, si vos objections remontent a deux ans; a ce
moment, j'en conviens, elles etaient fondees: un peu creux et vide,
c'est vrai. Mais depuis il s'est forme; sa parole n'a rien perdu de son
charme entrainant, et son esprit s'est affermi; il a gagne en etendue
autant qu'en profondeur; enfin, selon moi, c'est l'homme qu'il vous
faut. Je l'ai entendu, dans ses deux dernieres affaires aux assises;
avec sa faconde meridionale, ses manieres seduisantes et calines, la
sympathie qu'il inspire a premiere vue, la chaleur, l'emotion, la
tendresse dont il use sans en abuser, il a enleve le jury. Sans doute
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