sser la tutoyer,
puisque entre eux ils se tutoyaient tous "Bonjour, ma petite
chatte.--Comment vas-tu, ma vieille?"
Lozes annonca que c'etait fini "pour aujourd'hui."
Enfin, elle allait pouvoir approcher ce maitre terrible, et, tout de
suite, pendant que les eleves s'empressaient joyeusement vers la porte
de sortie, elle se dirigea vers le fauteuil ou Lozes etait reste assis.
A mesure qu'elle avanca, elle se sentit enveloppee par un regard
curieux.
Arrivee pres de lui, elle le salua, et, comme elle avait tout son
courage, elle lui expliqua bravement ce qui l'amenait:
--Je voudrais entrer au theatre, dit-elle d'une voix qui, malgre ses
efforts, etait tremblante, et je viens vous demander vos lecons.
Il n'avait pas bouge de dessus son fauteuil; la tete renversee, il la
regarda un moment sans rien dire, puis, comme s'il n'etait pas satisfait
de son examen, il lui fit signe de reculer de quelques pas; alors, avec
son accent meridional:
--Defaites-moi un peu votre chapeau, je vous prie, et votre paletot.
Elle obeit, decidee a tout.
--Bon, dit-il apres l'avoir regardee en dodelinant de la tete avec
approbation, pas mal, pas mal.
Et comme elle rougissait sous ce regard qui etait un outrage pour son
innocence de jeune fille:
--Vous savez que vous etes jolie, n'est-ce pas? continua-t-il; vous avez
le type d'Ophelia, ce n'est pas mauvais, ca, et c'est rare; marchez un
peu.
Elle se mit a marcher.
--Presentez votre poitrine comme un bouquet; les epaules effacees; bien,
cela va; revenez. Qu'est-ce que vous savez?
Madeleine repeta ce qu'elle avait deja dit a Maraval.
--Oh! oh! l'amateur de province, je n'ai pas confiance, dit Lozes; ils
sont _toc_ en province. Enfin, voyons, chantez-moi ce que vous voudrez.
Elle proposa l'air du _Freyschutz_: puisqu'elle avait reussi aupres de
Maraval, Lozes ne serait pas plus difficile sans doute.
Mais Lozes refusa:
--Le style, c'est moi qui vous l'enseignerai; ce que je veux juger pour
le moment, c'est votre voix; savez-vous le _Brindisi_ de la _Traviata_?
--Oui, Monsieur.
--Eh bien! allez-y alors: je vous ecoute.
Et de fait il l'ecouta attentivement, le coude appuye sur le bras de son
fauteuil et le menton pose dans sa main.
--Quand voulez-vous commencer? demanda-t-il aussitot qu'elle se tut.
--Vous m'acceptez?
--A bras ouverts; retenez bien ce que vous dit Lozes, vous serez une
grande artiste.
--Ah! monsieur!
--Si vous travaillez et si
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